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était dangereux : « C’est égal, » répondit-il tranquillement. Une seconde après, il était mort; un boulet turc lui avait traversé le ventre départ en part. En accourant pour le relever, le général Perregaux, son chef d’état-major, son ami, tomba près de lui, atteint d’une balle entre les deux yeux. Le général de Damrémont était frappé comme Turenne, à l’aube d’un triomphe; comme Turenne, on le transporta, couvert d’un manteau, au travers des soldats qui se demandaient quel était ce mort. On sut bien vite que ce mort était le gouverneur-général de l’Algérie, le général en chef de l’armée, et les soldats, qui le respectaient, jurèrent de le venger dans Constantine. Son corps, porté d’abord au marabout qui servait d’ambulance, fut placé le soir sur une prolonge d’artillerie et ramené au quartier-général ; les carabiniers du 2e léger lui servaient d’escorte. Au moment où le funèbre cortège se mit en marche, le duc de Nemours abaissa son épée et, se tournant vers les officiers qui étaient venus en grand nombre, il leur dit d’une voix émue : « Saluons, messieurs, c’est notre général en chef qui passe. »


X.

Le général Valée, le plus ancien des lieutenans-généraux présens, avait pris le commandement sans retard et donné ses ordres pour hâter l’action de la nouvelle batterie de brèche. A une heure, elle commença de tirer, avec des effets foudroyans. Vers trois heures, un parlementaire sorti de la place remit aux avant-postes une dépêche ; c’était une lettre du bey Ahmed, qui proposait, pour négocier, un armistice de vingt-quatre heures. Le général Valée lui fit répondre que, s’il avait le désir de traiter, il trouverait les Français dans des dispositions favorables, mais à la condition qu’avant tout les portes de Constantine leur fussent ouvertes. Cet essai de pourparlers n’eut pas d’autre suite. A six heures, sous les coups répétés de la grosse artillerie, l’épaisse muraille de pierre s’était effondrée; les terres du rempart avaient coulé sur les débris ; la brèche était assez large et le talus formé. Avant la nuit, l’armée connut la composition des colonnes d’assaut, telle qu’elle avait été réglée la veille par le général de Damrémont. La première, sous les ordres du lieutenant-colonel de La Moricière, se composait de quarante sapeurs et mineurs dirigés par quatre officiers du génie, de trois cents zouaves et des deux compagnies d’élite du 2e léger; la seconde, commandée par le colonel Combe, de la compagnie franche du 2e bataillon d’Afrique, de quatre-vingts sapeurs avec cinq officiers, de cent hommes du 3e bataillon d’Afrique, de cent hommes de la légion étrangère et de trois cents hommes du 47e la troisième, aux ordres du colonel Corbin,