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ceinture, réussirent à déplacer les blocs; à six heures du matin, la pièce, attelée de quarante chevaux, les travailleurs d’infanterie poussant aux roues, taisant effort sur la volée, se trouvait à la hauteur du Bardo. Le jour commençait, la place se mit à tirer sur le convoi; la seconde pièce de 24 s’élevait sur les traces de la première: les chevaux, effrayés par un coup de mitraille, reculèrent et la pièce versa ; relevée trois heures après, elle rejoignit les trois autres au voisinage de la batterie de Nemours. Pendant la nuit, l’épaulement de cette batterie, réduit à 4 mètres d’épaisseur, afin de ménager l’approvisionnement de sacs à terre, avait été presque achevé.

Après cinquante-six heures d’une pluie incessante, il s’était fait une accalmie ; avec le soleil qui se laissait parfois entrevoir à travers les nuages, l’espoir et la confiance se réveillaient dans les cœurs. Vers le milieu du jour, les assiégés renouvelèrent, avec la même tactique et aussi peu de succès, la sortie qu’ils avaient faite le 7. Animées par la présence du gouverneur et du duc de Nemours, quelques compagnies de la légion étrangère et du bataillon d’Afrique s’élancèrent par-dessus les parapets et fondirent sur les assaillans à la baïonnette. Dans cette affaire, où trois officiers furent tués, le capitaine de Mac-Mahon, aide-de-camp du gouverneur, fut blessé à côté de lui. Dans la soirée, les zouaves et le 2e léger reçurent l’ordre de quitter le Mansoura pour s’établir au Coudiat-Aty; le 2e léger rejoignit, aux ruines du Bardo, les quatre compagnies d’élite du 47e. c’était de ce côté qu’allait se porter définitivement le grand effort de l’attaque.

Après la sortie des assiégés, le gouverneur avait visité les batteries en construction ; la batterie de Nemours, qui devait tirer en brèche, lui parut, à 400 mètres, trop éloignée pour produire un effet assez pénétrant et assez rapide ; sur son ordre, l’artillerie se mit en mesure de construire, sans désemparer, une seconde batterie de brèche, au-dessus du Bardo, à l’origine du ravin que le génie avait découvert, par conséquent à 150 mètres au plus de la place. La nuit du 10 au 11 fut donc particulièrement active. D’une part, l’artillerie achevait l’évacuation du Mansoura, où la batterie du Roi garda seule son armement, et répartissait les pièces, au fur et à mesure de leur arrivée, entre la batterie de Nemours et trois autres batteries improvisées à gauche, au dessus et en arrière, d’autre part, le génie établissait une communication couverte de l’origine du ravin au Bardo. Des sacs à terre, que des soldats d’infanterie se passaient de main en main, arrivaient ainsi de l’extrémité intérieure à l’autre bout de la ligne; mais de la tête du ravin à l’emplacement le plus favorable pour la construction d’une batterie, il s’agissait de cheminer à découvert. Protégés par les grenadiers et les voltigeurs du 47e les sapeurs se mirent à l’œuvre en silence;