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puis assez vous mettre en garde contre l’ardeur de quelques officiers. Toute cette lettre se résume en peu de mots : jusqu’au dernier moment, la paix plutôt que la guerre, la paix aux conditions déjà convenues sans y rien ajouter, ou la prise de Constantine à tout prix. Il serait impossible que les forces de la France allassent échouer devant Constantine une seconde fois. — A vous seul il appartient de déterminer le jour où l’expédition doit partir; vous seul pouvez juger de l’état des préparatifs et des chances que la saison peut encore offrir. » Pour ce qui est de la lettre du roi datée du 4 septembre, et conforme, d’ailleurs, quant au fond, à la dépêche du président du conseil, tout l’intérêt s’en trouve résumé dans ce passage : « Si nous étions assez heureux pour qu’Achmet se déterminât à souscrire préalablement la sage convention qui avait été préparée, je considérerais ce résultat comme aussi avantageux pour la France qu’honorable pour vous et pour les troupes que vous commandez, et je bénirais le ciel qu’il eût été obtenu sans l’avoir acheté par la perte des braves Français que des combats nous auraient coûtés ! »

La dépêche du comte Molé ne devait pas laisser de donner au gouverneur-général quelque souci. Les précautions qu’on prenait pour le préparer, notamment, à la venue du général Valée pouvaient en effet lui sembler inquiétantes. Deux représentans de l’artillerie et du génie, tous deux inspecteurs-généraux de leur arme, le général de Caraman, fils du respectable vieillard qui avait suivi la première expédition, et le général Lamy, étaient arrivés depuis quelque temps à Bône; mais lorsque le duc d’Orléans avait dû prendre le commandement de l’armée expéditionnaire, les généraux Valée et Rohault de Fleury avaient été rais à la tête des deux armes savantes et, même après la renonciation forcée du prince royal, ils avaient tenu à honneur d’y demeurer. Le général Valée était un gros personnage, le premier artilleur de l’Europe; dans ses états de service il comptait seize campagnes et vingt et un sièges; enfin il était déjà lieutenant-général quand le général de Damrémont n’était que capitaine encore ; de plus, il passait pour avoir le caractère absolu et l’humeur difficile. Hâtons-nous de dire que les appréhensions du gouverneur-général n’eurent pas les suites qu’on aurait pu craindre. Pendant l’expédition, il écrivait à quelqu’un de sa famille : « J’ai eu bien des idées extraordinaires à combattre, bien des difficultés à vaincre, bien des soucis de tout genre. Le général Valée, qui a l’esprit juste, ne met aucun entêtement à défendre sa manière de voir. Maintenant il abonde dans mes idées ; il m’aurait été très pénible de me trouver en opposition avec lui. Je tirerai bon parti de ses conseils et de son expérience. »

Sous la direction du général Lamy, le camp de Mjez-Ahmar avait pris l’aspect d’une place de guerre ; le plateau qui domine la rive