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du pays autour de Ghelma. Le 24 mai, le 25 juin et le 16 juillet notamment, le colonel Duvivier eut trois affaires qu’il conduisit avec l’intelligence et la fermeté dont il avait donné, à Bougie, tant de fois la preuve. Dans la dernière, n’ayant que six cents hommes d’infanterie et cent vingt chevaux, il s’était trouvé aux prises avec plus de quatre mille Arabes et Kabyles. « Ils sont si peu, se disaient les Arabes, que nous les emporterons tous sur un seul cheval. » Ils n’emportèrent que leurs blessés et leurs morts. Pour se venger, Ahmed fit incendier, entre Ghelma, Hammam-Berda et Nechmeïa, sur près de cinquante lieues carrées, toutes les moissons.

Le 7 août, le général de Damrémont, suivi de tout son état-major, quitta Bône pour gagner Mjez-Ahmar, où il arriva le 9 ; il emmenait avec lui cinq bataillons du 23 et du 47 de ligne, quatre compagnies de sapeurs, un détachement de pontonniers, une batterie montée, une section d’obusiers de montagne et deux cent quarante chevaux du 3e chasseurs d’Afrique. c’était à Mjez-Ahmar que devaient être réunis dans un temps donné tous les approvisionnemens, tous les moyens de transport, toutes les troupes détachées de Bône, d’Alger, d’Oran, tous les renforts attendus de France ; c’était de là que devait prendre son élan la colonne expéditionnaire, s’il y avait lieu de faire une seconde expédition de Constantine. On en doutait encore à Paris, le 9 août ; car, à cette date, une dépêche ministérielle prescrivait formellement au gouverneur-général « de se borner à rassembler tous les moyens de guerre, à les organiser complètement, afin d’être prêt à marcher, et de ne rien entreprendre au-delà sans avoir fait connaître au gouvernement l’état exact des choses et avoir reçu des ordres. » A Mjez-Ahmar, on ne doutait plus; las des tergiversations d’Ahmed, le général de Damrémont lui avait fait porter par Busnach son ultimatum, et, comme il n’y avait pas été répondu à son gré, il avait déclaré les négociations rompues, donné à son envoyé l’ordre de revenir et dépêché à Paris pour demander l’autorisation de marcher sans plus de retard sur Constantine.


VI.

Il y avait alors, à Compiègne, un camp de manœuvres que commandait le duc d’Orléans. Appelé à Paris pour prendre part à la délibération provoquée par la demande du gouverneur-général, et de retour au camp, le 31 août, le prince adressait, le même jour, au général de Damrémont, une lettre d’un si puissant intérêt et d’une si grande importance qu’elle veut, au nom de la vérité historique, être mise tout entière sous les yeux du lecteur. La voici telle que l’auteur du présent récit l’a copiée sur l’original :

« Le roi m’a fait chercher à Compiègne avant-hier, mon cher