Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/972

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des voix indique-t-il que le plus simple effort du gouvernement aurait suffi pour écarter cette fantasmagorie d’un impôt dénué de sens dans un pays où tous les revenus sont déjà atteints. Le fait est qu’on a probablement tenu au mot par une sorte d’habitude ou de faiblesse de parti : il y est, on l’a voté pour en finir, en s’ajournant d’un commun accord au prochain budget, où la question reviendra sans doute avec toutes ces autres questions plus sérieuses, — Et l’équilibre financier, et la liquidation des déficits, et le budget extraordinaire, et les réformes fiscales, administratives, qu’on ne cesse de se promettre.

On parle toujours de réformes, surtout de celles qu’on n’accomplira jamais parce qu’elles sont irréalisables ; la plus pressante, la plus nécessaire pour le moment serait de rentrer dans l’ordre, de revenir aux sévères et fortes traditions financières, d faire revivre dans l’administration publique l’esprit d’économie et de prévoyance, de ne pas mettre l’intérêt électoral partout, même dans la protection de la fraude et des fraudeurs. La plus utile des réformes pour les politiques du jour serait de se réformer eux-mêmes, de comprendre qu’on ne gouverne pas un pays avec des passions de parti et de secte, de n’être pas sans cesse à soulever des questions oiseuses ou irritantes, comme cette commission qui, à l’heure qu’il est, vient de trouver le moyen de voter la séparation de l’église et de l’état ! c’est une œuvre vaine, sans doute ; le gouvernement n’a pas caché qu’il ne la soutiendrait pas et la chambre ne la sanctionnera pas ; mais n’admire-t-on pas l’à-propos de ces commissaires ? Ils choisissent bien leur moment, lorsque le gouvernement de l’Allemagne offre le spectacle de son alliance avec le chef de l’église, lorsqu’on France on devrait avant tout éviter tout ce qui peut diviser les esprits. M. le président Floquet, il faut l’avouer, était mieux inspiré, lorsque, ces jours derniers, payant un juste hommage à la mémoire de M. Raoul Duval, mort si prématurément dans le plein éclat de sa carrière, il ajoutait que « l’apaisement doit être la première loi de notre politique. » C’était parler avec justice et avec le sentiment vrai des intérêts de la France.

Les crises qui émeuvent le monde aujourd’hui sont de celles où sont plus ou moins engagés tous les pays, les uns directement, les autres indirectement. Elles pèsent sur toutes les politiques, sur toutes les sécurités, elles intéressent tout le monde, parce qu’on sent bien que les conflits entre grandes puissances du continent ne pourraient plus guère désormais être circonscrits. Aussi faudrait-il se garder d’ajouter à des dangers réels ces excitations factices qui compliquent et enveniment tout ; ce serait la plus simple sagesse. L’Angleterre, il faut l’avouer, ne s’est pas donné jusqu’ici dans ces crises un rôle des plus brillans, des plus utiles, au moins par ses journaux, qui, après avoir fait tout ce qu’ils ont pu pour allumer le feu, commencent peut-être à s’apercevoir qu’avec leurs polémiques et leurs commentaires, ils n’ont