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soutenir, le camp avait été attaqué, mais avec moins de vigueur. Les troupes françaises avaient éprouvé une grave perte : quarante morts, trois cents blessés. C’était plus que n’avaient coûté les expéditions de Mascara et de Tlemcen ensemble ; les quatre journées de lutte au col de Mouzaïa n’avaient pas coûté davantage.

Les pertes de l’ennemi avaient dû être bien plus grandes ; mais il triomphait, il se proclamait vainqueur, et les têtes des vaincus, promenées parmi les tribus, attestaient sa victoire. L’effet de cette journée sur les imaginations arabes fut immense; en un moment tous les résultats acquis un mois auparavant par l’habile opération du général Perregaux s’évanouirent. Toute la vallée du Chélif reconnut l’autorité d’Abd-el-Kader ; le bey Ibrahim et son agha El-Mzari furent rejetés de Mazagran dans Mostaganem ; d’Oran au camp du Figuier les communications menacées par les Gharaba n’étaient plus sûres. A la Tafna, le colonel Lemercier multipliait les ouvrages de défense. Le 29 août, le général d’Arlanges reçut d’Abd-el-Kader ce défi hautain : « Le commandant des croyans au général d’Oran : Salut à celui qui doit se convertir. Les menteurs t’ont fait croire qu’il n’y a plus de sultan. Tu es sorti pour gouverner le pays des Arabes : voici le sultan qui se présente pour te combattre, et tu as reculé. Ce n’est pas l’usage chez les rois et c’est une grande honte, car ton armée est réunie et ton camp est établi. C’est une faiblesse de ta part. Vous ne m’avez battu autrefois que par ruse, avant que j’eusse pu réunir mes forces ; cela ne peut passer aux yeux du monde pour une victoire. Maintenant sors pour me combattre et réponds-moi sur tes projets. » Le jour où le général d’Arlanges reçut cette provocation qui demeura sans réponse, les troupes, déjà réduites à la demi-ration, n’avaient plus que pour deux jours de vivres; depuis plus d’une semaine, la mer furieuse ne permettait plus au camp de communiquer avec Rachgoun; elle se calma enfin, des approvisionnemens arrivèrent, même du foin pour la cavalerie, car il n’était plus possible d’aller au fourrage. Une nuit, Moustafa voulut s’évader et regagner Oran à travers la montagne, mais il fut arrêté par l’ennemi et forcé de rentrer dans la place ; il fallut embarquer les chevaux des Douair.

Quand les nouvelles du combat de Sidi-Yacoub arrivèrent en France, elles y produisirent l’impression d’une seconde Macta; ministres et députés, amis ou ennemis de l’Afrique, tous se rencontrèrent dans une pensée commune : la revanche. Ordre fut envoyé, par le télégraphe, aux commandans des divisions militaires riveraines de la Méditerranée, de faire partir au plus vite, le 23e et le 24e de ligne de Port-Vendres, le 62e de Marseille. Le commandement de cette division fut donné au maréchal de camp Bugeaud. Le 6 juin, le général et ses troupes débarquaient à l’embouchure