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que levées et appositions de scellés. Divers citoyens réclamaient des objets confiés à Lavoisier, immédiatement la commission temporaire des arts envoyait des délégués faire des recherches. Le commissaire de l’administration des domaines voulait enlever des meubles destinés à l’usage du comité de salut public, et demandait l’assistance des délégués du comité révolutionnaire de la section des Piques pour en prendre possession, et en distraire des objets appartenant à la veuve Lavoisier.

Mme Lavoisier, après le 9 thermidor (27 juillet), s’adressa au comité révolutionnaire de sa section, qui délivra un certificat favorable, au comité de salut public et au comité de sûreté générale, et obtint enfin sa mise en liberté le 30 thermidor (17 août 1794).

Non-seulement tous les biens de son père et de son mari étaient confisqués, mais le faible revenu de 2,000 livres qui lui restait vint bientôt à lui manquer par suite d’un nouveau rapport de Dupin du 3 vendémiaire an III (24 septembre 1794), et elle fut réduite, pour subsister, à accepter les secours d’un serviteur fidèle à la mauvaise fortune, Masselot, qui la nourrissait du produit de son travail.

Dupin et les commissaires reviseurs poursuivaient leur œuvre ; Dupin, dans le rapport du 3 vendémiaire, établissait définitivement à 130,345,262 livres 12 sols 1 denier les reprises à exercer sur les fermiers-généraux: la nation étant en possession seulement de 67,360,090 livres 21 sols 1 denier, il rendait responsables des sommes encore dues les veuves communes de biens, les héritiers, même les enfans dotés depuis 1774 et qui devaient être tenus de restituer leurs dots. Après avoir rappelé les concussions des fermiers-généraux, il faisait l’éloge du zèle et du civisme des commissaires reviseurs et demandait qu’on fixât les émolumens qu’il convenait de leur accorder pour les récompenser de leur travail.

Cependant la nation prenait possession des biens des condamnés ; à Blois, le district faisait saisir les récoltes de Freschines, la terre de Lavoisier, vendre les meubles, confisquer les livres. A Paris, la commission temporaire des arts chargeait les délégués compétens de dresser les inventaires et d’effectuer le transport des objets aux dépôts nationaux. Les uns inventoriaient les objets de chimie, la collection de minéralogie; d’autres la bibliothèque, le tout avec un ordre, une régularité dont témoignent les dossiers de la commission. Ici, c’est la liste des cartes et des livres de géographie; là, l’inventaire des instrumens de musique confisqués et déposés rue Bergère ; ainsi, le 13 vendémiaire se trouve indiqué : un piano-forte de Zimmermann, fabriqué en 1786, estimé 400 livres, trouvé chez Lavoisier, condamné. Le tout se fait avec une rigueur de comptabilité