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mit au travail ; il s’occupait sans doute de la publication de ses mémoires, qu’il voulait réunir et présenter en un corps de doctrines. « j’ai commencé, écrivait-il le 11 frimaire, à prendre un genre de vie analogue aux circonstances où je me trouve : j’ay travaillé hier après-midy deux heures et demie. »

Cependant Mme Lavoisier ne restait pas inactive ; elle multipliait les démarches, malgré les recommandations de son mari de ménager sa santé et de ne pas se dépenser en tentatives inutiles. A qui s’adressa-t-elle ? Quelles protections invoqua-t-elle? Un fragment de lettre, sans date, adressé au comité de sûreté générale, est le seul témoignage qui nous reste de ses efforts : tout ce qu’elle put obtenir, ce fut de visiter son mari à la prison de Port-Libre. À ce moment, nous ne trouvons en faveur de Lavoisier que la déclaration stérile du bureau de consultation. Le jour même de son incarcération, Lavoisier avait écrit à ses collègues pour les prévenir de l’impossibilité où il se trouvait de continuer à présider les séances ; le bureau arrêta que le procès-verbal ferait mention de l’estime que tous ses membres ont toujours professée pour le citoyen Lavoisier et du regret qu’il éprouvait en apprenant qu’il n’est plus à portée de partager leurs travaux.

Les inquiétudes des fermiers-généraux durent redoubler, quand ils apprirent les résultats d’un débat ouvert à la Convention le 10 frimaire (28 novembre). Dupin ayant proposé de mettre en liberté les receveurs des finances qui avaient déjà rendu leurs comptes et ne se trouvaient pas dans les conditions du décret du 4, sa motion, bien qu’appuyée par Voulland, fut violemment combattue par Montant : « Les receveurs-généraux ont volé la nation, dit-il, c’est à la nation qu’ils doivent rendre leurs comptes et non à d’autres voleurs nommés par nos anciens despotes. » La Convention repoussa la proposition de Dupin, et, quoique les fermiers-généraux fussent en dehors de la question, ils n’en ressentirent pas moins de vives inquiétudes en présence de l’hostilité évidente de la Convention contre les gens de finances. « Les prisonniers, ma chère amie, écrit Lavoisier à sa femme, s’affectent agréablement ou désagréablement des moindres détails qui les concernent. L’assemblée, en passant à l’ordre du jour sur les observations de Montaut et d’après le rapport du comité des finances relativement aux gens de finance qui ont rendu leurs comptes, nous avoit chagrinés. »

La situation des fermiers-généraux était pleine de menaces : obligés de rendre leurs comptes par le décret du 4 frimaire, ils se trouvaient réduits à l’inaction, privés qu’ils étaient de leurs papiers et de leurs registres de comptabilité. Ils délibérèrent : quelques-uns des plus jeunes, dans l’espoir de recouvrer sans retard leur liberté,