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du 13e et du 63e de ligne, des spahis réguliers et irréguliers, du 1er régiment de chasseurs d’Afrique, de deux batteries, dont une de montagne, et de cinq compagnies de sapeurs ; l’effectif de ce petit corps d’armée était de 5,000 hommes de pied et de 1,200 chevaux. Le général Rapatel, sous la direction du maréchal, en avait le commandement ; les généraux Desmichels et Bro étaient à la tête des brigades. Le 30 mars, l’expédition quitta Boufarik ; le lendemain, au point du jour, elle atteignit Haouch-Mouzaïa, la ferme de l’Agha, dont il ne restait plus que l’enclos, les bâtimens d’habitation étant tombés en ruine. Le maréchal y laissa, sous la garde de 400 condamnés militaires, à qui des armes avaient été rendues pour la circonstance, son convoi, son ambulance et la plupart des voitures d’artillerie. Il n’en garda que douze avec deux prolonges du génie ; celles-là, il était décidé à les hisser jusqu’au sommet de l’Atlas. Déjà, dans sa marche sur Mascara, il avait voulu, en prouvant que les Français, avec leur encombrant et lourd matériel, pouvaient passer partout, frapper l’imagination des Arabes ; mais la démonstration n’avait pas été faite jusqu’au bout, et, malgré les efforts héroïques du génie, canons, caissons, fourgons et prolonges étaient demeurés en route. Après une courte halte, à huit heures du matin, les troupes combattantes s’engagèrent dans la montagne, les zouaves en tête, suivis du 2e léger et du 3e bataillon d’Afrique. La veille, il n’y avait eu qu’un engagement assez vif, mais court, au passage de la Chiffa; ce jour-là, le feu de l’ennemi ne cessa pas jusqu’au soir. Comme les sapeurs avaient fort à faire pour ouvrir sur les rampes une route carrossable, la tête de colonne dut s’arrêter au plateau connu depuis l’expédition de 1830, sous le nom de plateau du Déjeuner. Le lendemain, 1er avril, elle reprit sa marche, en se portant sur les hauteurs de gauche. Pour aborder le Tenia-de-Mouzaïa, il n’y avait qu’une seule tactique enseignée par le terrain même. On ne pouvait pas, sans s’exposer à subir des pertes énormes, atteindre directement le col par un sentier qu’un ravin profond comme un abîme côtoyait d’un côté et qu’une suite de pitons boisés commandait de l’autre. C’étaient ces pitons disposés irrégulièrement en arc de cercle qu’il fallait enlever successivement jusqu’au dernier, au pied duquel s’ouvrait l’étroit passage. Au commandement du général Bro, les zouaves et les zéphyrs à gauche, le 2e léger un peu plus à droite, se mirent à l’escalade ; sur le sentier inférieur, le 13e de ligne suivait le mouvement. Il fallut gagner du terrain pied à pied; la nuit venait; l’avant-garde n’était plus qu’à 300 mètres du col ; clairons sonnant, tambours battant, un dernier effort la porta jusqu’au but; le col était conquis. Le maréchal y établit son quartier-général au milieu des troupes d’infanterie qui étaient échelonnées de part et d’autre à la naissance des deux versans.