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un mémoire pour établir la situation de leur caisse de retraite, auquel les commis répondirent par un pamphlet d’une violence inouïe où abondent les expressions de haine : « Où trouver des maîtres plus cruels!.. Ah! s’il nous était possible de feuilleter les comptes fournis au gouvernement par la ferme, que de mystères inconnus à l’état seraient dévoilés!.. Tremblez, vous qui avez sangsuré les malheureux, qui avez trompé le plus bienfaisant des rois! » En vain, d’autres employés publièrent, en faveur des fermiers-généraux, des brochures où ils représentaient comme un agent révoqué pour vol l’instigateur de la supplique des commis aux entrées, ceux-ci redoublèrent leurs attaques et, dès ce moment, firent naître l’idée de confisquer, au profit de l’état, les fortunes des financiers; le point de départ des poursuites de 1793 et du jugement de 1794 se trouve dans ces paroles des commis aux entrées : « Nos adversaires redoutent le dépouillement des pièces dont ils s’obstinent à nous refuser communication, pièces d’autant plus intéressantes qu’elles feraient rentrer dans le trésor national des millions. »

L’opinion publique, cependant, réclamait énergiquement la suppression de la ferme, ce corps, dit le Patriote français, dont l’anéantissement tant désiré n’est pas éloigné. L’assemblée nationale, cédant aux vœux de la nation, abolit d’abord les gabelles, puis, le 20 mars 1791, résilia le bail consenti à Jean-Baptiste Mager, prête-nom des fermiers-généraux.

Le Père Duchesne exprima la satisfaction des Parisiens en apprenant la suppression du monopole du tabac et des droits d’entrée, mais il désigna en même temps les financiers aux vengeances populaires, en enjoignant aux sections de les surveiller et de leur faire regorger ce qu’ils avaient acquis par des vols et des brigandages.

Les lois qui supprimaient la ferme générale eurent un effet rétroactif, car elles décidèrent que la résiliation du bail daterait du 1er juillet 1789. Ainsi, toutes les opérations accomplies depuis cette époque devaient être considérées comme laites au nom de la nation. Cette disposition compliquait singulièrement la reddition des comptes et la liquidation de la ferme, qui furent confiées à six des anciens titulaires, Delaage, de Saint-Amant, Jacques Delahante, Puissant, Couturier et Brac de la Perrière, assistés de trois adjoints. Une somme de 6,000 livres par an fut allouée à la commission par le même décret.


II.

Lavoisier n’eut plus rien de commun, dès lors, avec l’administration financière à laquelle il appartenait depuis vingt-deux ans; il