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1835 et qui rentra au camp deux jours plus tard, après avoir passé le premier jour de l’an 1836 à errer à travers les débordemens de la Chiffa vingt-quatre heures durant, presque sans halte. Elle était commandée par le général Desmichels, l’auteur de ce déplorable traité dont les suites étaient si funestes ; il avait obtenu d’être renvoyé en Afrique, mais le maréchal Clauzel, par un juste sentiment des convenances, n’avait pas voulu l’employer dans la province d’Oran.

Rentré à Alger, le 19 février, le maréchal y reçut, le 5 mars, une visite qui n’était pas pour lui être agréable. Mécontent de n’avoir pas vu arriver en France les régimens qui devaient quitter l’Afrique, le maréchal Maison, ministre de la guerre, avait dépêché un officier de son état-major, le lieutenant-colonel de La Rue, avec l’ordre de presser l’embarquement des troupes et de ne revenir qu’après avoir vu de ses yeux le dernier détachement en mer. Tout ce que put obtenir le gouverneur-général, ce fut un dernier délai qui lui permît d’entreprendre une opération dont il attendait, pour la province d’Alger, un effet pareil à celui qu’il s’imaginait avoir produit par l’expédition de Tlemcen dans la province d’Oran; il n’y allait pas de moins que de la soumission de Médéa et de Miliana. Au mois de mars 1836, il lui plaisait de se retrouver sur le même terrain et avec la même confiance qu’au mois de novembre 1830.

Qu’était devenu cependant Mohammed-ben-Hussein, ce vieux Turc qu’il avait naguère, dans son propre palais, avec tant d’appareil, investi du titre de bey de Médéa? de Boufarik, où il s’était d’abord dissimulé prudemment, Mohammed avait réussi par un long détour à travers la montagne, à gagner les environs de sa prétendue capitale ; mais ses sujets ayant refusé de le recevoir, il était allé chercher un asile dans le voisinage, chez les Hacem-ben-Ali, dont le cheikh était le père d’une de ses femmes. Menacé par les gens de Médéa, le malheureux bey ne se crut pas en sûreté sous la tente de son beau-père ; il lui fallut trouver une retraite moins facile à surprendre. On connaît ces greniers souterrains que nous nommons vulgairement silos, que les Arabes nomment aussi matmores ; ce fut dans une de ces excavations que Mohammed s’enfouit, n’osant pas en sortir de jour, et il y demeura de la sorte pendant cinq mois. Aux alentours, chez ses amis même, il n’était plus désigné que sous le nom du bey Bou-Matmore. Averti du rôle misérable et ridicule que jouait ce protégé de la France, le maréchal Clauzel avait résolu de relever, par une démonstration éclatante, son prestige.

Le 29 mars, une forte colonne expéditionnaire se réunit à Boufarik; elle était composée des zouaves qui venaient d’être portés à deux bataillons, sous les ordres de La Moricière, nommé lieutenant-colonel, du 3e bataillon d’infanterie légère d’Afrique, du 2e léger,