Les moutons de Perse ont de très grosses queues, masses de graisse qui se gonflent au printemps, quand la nourriture est à discrétion, et qui décroissent l’été; les bœufs ont aussi sur les épaules une bosse graisseuse. C’est un fait fort curieux que tous les herbivores vivant dans les régions où règne, pendant la plus longue partie de l’année, une sécheresse absolue, puissent ainsi accumuler dans une partie de leur corps des réserves pendant la période d’abondance et les absorber peu à peu pour s’aider à vivre dans les momens où l’herbe est rare. C’est ainsi que le chameau et le bœuf ont leur bosse et le mouton sa queue. Il y a même plus : dans l’Arabistan, où le gazon atteint une taille extraordinaire, les troupeaux n’en absorbent qu’une faible portion au printemps ; il reste pour l’été une quantité considérable de vivres, secs à la vérité, mais pouvant aussi bien servir d’aliment que le foin pour nos animaux domestiques. Aussi les moutons des Arabes ont-ils la queue beaucoup moins développée que leurs congénères des plateaux persans, où la rareté du fourrage en été est plus accentuée. Les buffles, hôtes du même pays, mais vivant toujours au bord des fleuves, ne connaissent pas la période d’herbe séchée et rare, aussi n’ont-ils jamais de bosse.
Les Arabes vivent sous un régime à la fois de communauté et de propriété individuelle. Chaque chef de famille possède en propre ses bestiaux, ses ustensiles de ménage, ses vêtemens et sa tente. D’autre part, le cheik de la tribu paie impôt au gouvernement ou plutôt paie la location de la terre qu’il occupe. La jouissance d’un territoire déterminé appartient donc à toute la tribu, représentée par son chef; le fourrage est une propriété commune à toutes les familles, et les troupeaux de la tribu paissent ensemble. Si quelqu’un veut cultiver du blé, il doit d’abord verser une certaine somme au cheik ; c’est en quelque sorte une sous-location du sol. Contre cet argent, la jouissance du champ, retirée à la communauté, lui est acquise pour une année; il peut cultiver, récolter et emporter le blé, qui est sa propriété. Cependant le cheik, qui paie au gouvernement pour toute sa tribu, doit retrouver l’argent qu’il a versé. Il prélève une certaine part sur la vente des bestiaux, de la laine, du blé, et chaque homme, d’ailleurs, lui paie une cote personnelle.
Le cheik est l’homme de la tribu le plus riche, celui qui possède les plus grands troupeaux et les plus belles tentes. Son autorité est toute fondée sur le respect et l’amour de ses hommes; il se montre, d’ailleurs, toujours extrêmement bienveillant avec eux, et le plus pauvre vient sous sa tente, fume son gahlian, boit son café sans la moindre gêne et sans aucune affectation de déférence, — fait