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couvertes de petits crabes. effrayés à notre vue, ils se précipitaient dans leurs retraites, en se couvrant le corps comme d’un bouclier, avec leur pince droite, devenue à cet effet très large et très plate, tandis que la gauche a conservé la grandeur et la forme normales. Retirés dans leurs trous, ils en fermaient l’orifice avec cette pince, bouclier et porte-cochère. La brise du large était toujours fraîche, et l’on pouvait sortir tout le jour, aussitôt satisfait le premier besoin de sommeil.

La montagne est beaucoup plus près de la mer au sud de la Perse que du côté de Suse. A deux étapes, à l’est de Bender-Bouchir, on pénètre dans les premières gorges. Les stratifications géologiques ne diffèrent que par des détails de celles que nous avons rencontrées en allant à Malamir. On y trouve aussi superposés des marnes à banc de grès, du gypse, des marnes encore, et enfin les assises du calcaire compact. D’une façon générale, les ravinemens ont été, dans cette partie de la chaîne, beaucoup plus profonds; d’énormes éboulemens ont en partie adouci les pentes trop abruptes, et l’on conçoit que cette route ait été suivie de préférence par les piétons ou les caravanes pour descendre à la mer des plateaux de l’Iran.

Un premier kotal donne accès sur le plateau de Konartakhteh. Le centre de cette plaine est entièrement couvert par une forêt de palmiers. De misérables cabanes de nattes, quelques maisons de terre, forment le village auprès duquel s’élève, blanche et coquette, la maison du télégraphiste anglais. Elle est abandonnée en cette saison, l’employé, en raison de la trop forte chaleur, étant allé occuper un poste plus haut dans la montagne. Les palmiers de Konartakhteh produisent d’excellentes dattes ; celles de Bassorah, dont la réputation est universelle, leur sont de beaucoup inférieures.

En sortant de ce plateau, la route suit le fond d’une profonde gorge où court un petit ruisseau d’eau saumâtre encombré de paquets d’algues. Bientôt on gravait toute la masse du gypse par un sentier appliqué au flanc de la paroi du ravin. Les pieds des mulets ont creusé leur chemin dans la roche tendre assez profondément pour qu’il se soit produit un parapet du côté du précipice. Il y a 400 mètres à monter. Une caravane est engagée avant nous dans le kotal ; l’étroitesse du chemin ne permet pas de la devancer, et sa longue file de bêtes chargées serpente au-dessus de nos têtes.

L’ascension est fort longue, car à chaque instant un mulet s’abat et barre le sentier, arrêtant tout le convoi ; il faut attendre qu’il soit relevé et rechargé sans hâte, avant de reprendre le mouvement.