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ne risquerons plus d’errer sans fin. Quel contraste avec le pays d’hier! Partout des villages... Tout autour de nous, aussi loin que nous pouvons voir, s’étendent des champs de blé mûr, superbes, la tête inclinée sous le poids des lourds épis. Du sein de cette mer dorée émergent partout les têtes des moissonneurs. Des caravanes de petits ânes, dont les oreilles et la queue sortent seuls de leur charge de gerbes, s’acheminent vers les villages.

C’est la zone qui sépare l’Arabistan du Fars. L’habitant participe des deux races arabe et persane ; mais l’Aryen a imprimé à cette population son amour de la terre, son goût de la maison fixée près du blé qui mûrit. Il n’y a plus de nomades ; auprès de chaque ruisseau, un bois de palmiers s’élève, et un petit village de cabanes en terre et en troncs d’arbres abrite tons ces agriculteurs.

Les blés sont loin d’être tous consommés sur place. Concentrés à Bebahan par petites caravanes, ils sont de là conduits à Bender-Dilem, et de petits bateaux les transportent ensuite par mer à Bender-Bouchir et Bassorah, où les Anglais les achètent à 5 et 7 francs l’hectolitre. Malgré la modicité du prix, ce commerce enrichit toute la région, où l’argent est très rare et a beaucoup de valeur.

Il y a parfois en Perse de terribles famines, aggravées encore par l’accaparement éhonté que pratiquent tous les fonctionnaires, lorsqu’une situation un peu élevée les met à l’abri des récriminations populaires. Au moment de notre passage, il y avait en Perse, et particulièrement à Chiraz, une véritable disette. Le peuple s’était soulevé pour faire rendre gorge aux accapareurs et avait été apaisé par de bonnes paroles. La crise avait continué : nous avons été obligés à plusieurs reprises de contraindre par la force des boulangers à nous vendre du pain. Les prix avaient décuplé, et néanmoins ils atteignaient à peine ceux de France. Par suite de l’incurie du peuple et des gouvernans, on ne s’aperçoit de la disette que lorsque la récolte est toute terminée. À ce moment, on interdit l’exportation des céréales; mais dans l’Arabistan, le blé est depuis six semaines battu, vendu et exporté ; et le décret ne sert à rien.

On arrive ainsi, avec des alternances de petits pays cultivés et de grands déserts, jusqu’au bord de la mer. Le long de la côte règne une zone très riche. Les habitans, pouvant facilement vendre les produits de leurs travaux, sont très actifs. Ils s’occupent surtout à la culture des céréales et à l’élevage des chevaux. Ils en ont de superbes, et les envoient aux Indes d’une façon continue : c’est pour eux une source considérable de revenus. Malheureusement, cette bande littorale est étroite. D’ailleurs, en bien des points, elle est si plaie que la mer la recouvre très loin au moment des grandes marées ; dans ces parties toute culture est impossible.

Il y a de nombreuses sources de naphte, dans la région qui s’étend