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celui-ci avait une figure honnête. Au chevet, sur la tenture grise, un bénitier de faïence, avec un rameau de la Pâque dernière. Une table étroite servait de toilette ; comme siège, deux chaises de paille et un fauteuil dont la housse de perse dissimulait mal la forme et la sécheresse. Une petite glace, encadrée de bois noir, surmontait la cheminée, froide en tout temps ; deux vases en verre bleu contenaient, l’été, les fleurs de la saison, et l’hiver, un échantillon de celles qu’elle faisait pour la chapelle du collège. À la porte-fenêtre, des rideaux de perse décolorée ; par-dessus tout, une atmosphère honnête et un léger parfum d’iris que dégageait une armoire ancienne, aux panneaux sculptés en pointe de diamant. Près de la fenêtre, un petit piano en forme de clavecin lui servait parfois à faire répéter les enfans.

Pendant que les élèves l’entouraient, l’esprit du père Rousselin voyait mademoiselle assise à sa grande table couverte de papiers ; c’était là que, dans un instant, il irait lui faire inscrire les leçons qu’il allait donner.

Il monta lentement, suivi de ses élèves, les marches qui conduisaient à la salle d’études. D’ordinaire, son cours l’intéressait, il aimait à causer avec les enfans, à leur chanter ses chansons anciennes ; mais, ce jour-là, les pas qu’il essaya d’ébaucher ne relevèrent pas bien haut de terre.

Quand les élèves furent rentrés en classe, il se fit dans la cour un lourd silence, un de ces calmes de journée chaude où la nature entière semble endormie. Les fenêtres de la façade avaient leurs stores baissés comme des paupières. Les oiseaux et les arbres, les nuages du ciel même, paraissaient céder au sommeil ; à peine entendait-on dans les longs corridors, par les portes ouvertes, le chuchotement des leçons récitées.

Le maître à danser se dirigea lentement, le cœur serré comme celui d’un enfant coupable, vers la chambre de mademoiselle ; il se sentait rougir de ses pensée intimes.

Elle était sur sa porte, abritant sa tête blonde des rayons ardens du soleil avec un journal déplié qu’elle tenait à la main.

— Ha ! vous voilà, lui cria-t-elle, qu’êtes-vous devenu hier ? j’ai été presque inquiète et j’ai envoyé chez vous ; on a retrouvé votre coiffure, peut-être l’aviez-vous jetée par-dessus les moulins ?

Le pauvre homme essaya de répondre, mais il ne put trouver un mot. Il se contenta d’ébaucher un sourire, qui se perdit dans les rides de son visage.

— Non,.. J’ai été seulement ;., mais, aujourd’hui,.. je.. Comment va votre santé, mademoiselle ?

— Moi, très bien ! Mais vous, qu’avez-vous fait pendant cette journée d’école buissonnière ?