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budget, trois ministres et un ministère de moins ; le ministère de la guerre subsiste encore, mais il ne paie plus de solde qu’à onze officiers d’infanterie indigène, à un commandant de la garde, à cinq officiers de cavalerie, six officiers d’artillerie (pour les salves) et trois chefs de musique ; l’ensemble des sommes inscrites à son budget pour la solde des officiers et des soldats se monte à 120,000 francs : c’est donner à bon marché au bey la satisfaction d’avoir encore des troupes autour de son palais, — Troupes qu’il ne faut pas confondre, bien entendu, avec celles que nous incorporons dans des régimens et dont nous parlerons plus loin. Les unes et les autres sont nourries, équipées convenablement et régulièrement payées.

Non moins que son armée, la maison du bey a été réduite; il est vrai que le successeur de Saddok n’a reçu l’investiture de la France qu’à la condition d’accepter à l’avance toutes ces réductions, — il a confirmé par un nouvel acte solennel, le 8 juin 1883, et même étendu les clauses du traité du Bardo ; — mais combien sont loin aujourd’hui les temps d’Achmed et de Mohammed ! La course compose de quelques généraux qui n’ont jamais servi; ce titre honorifique est recherché de tous les personnages tunisiens : on l’acquiert de la façon la plus pacifique du monde, en passant par les grades de capitaine ou commandant, colonel, comme on arrive en Turquie à ceux d’effendi, de bey, de pacha. — En souvenir, sans doute, du règne de Napoléon Ier, le seul rival de Louis XIV dans l’admiration des princes orientaux, un des anciens beys a voulu réunir autour de lui un état-major, une petite armée habillée à la française, en pantalons rouges; mais l’armée est devenue civile avec ses successeurs ; elle n’a de militaire que l’uniforme. — On imagine la surprise de nos officiers quand ils pénétrèrent à Tunis et y trouvèrent tant d’étoiles et de galons! Ils eurent le bon esprit d’en sourire et de laisser faire : c’est avec un ensemble de petites concessions de cette nature, chacun apportant la sienne, qu’a pu être édifié le protectorat. A côté des généraux, deux médecins, un garde du sceau, un interprète, tel est le modeste personnel de la cour.

La famille du bey, en revanche, est nombreuse ; il ne faut pas trop s’en plaindre : nous tenons ainsi ses membres les uns par les autres, et nous ne serons à la discrétion d’aucun d’eux. Qui sait si Mohammed es-Saddock aurait accepté notre occupation s’il n’avait pas eu derrière lui deux frères qui ne demandaient qu’à lui succéder? Afin de régner sur le bey sans effort, comme. ses prédécesseurs ont régné malgré leurs faiblesses sur leurs sujets, nous avons intérêt à entretenir autour de lui une pépinière de successeurs qui ne nous soient pas hostiles ; — par conséquent à ne pas les affamer ;