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de terre et de mer ; il en a donné le plan, et ils sont renouvelés le premier jour de chaque mois ; » telle est sa lecture quotidienne et préférée : « j’ai toujours présens mes états de situation. Je n’ai pas de mémoire pour retenir un vers alexandrin, mais je n’oublie pas une syllabe de mes états de situation. Ce soir, je vais les trouver dans ma chambre, je ne me coucherai pas sans les avoir lus. » Mieux que les bureaux du mouvement des ministères de la guerre et de la marine, mieux que les états-majors eux-mêmes, il sait toujours « sa position » sur mer et sur terre, nombre, grandeur et qualité de ses vaisseaux au large et dans chaque port, degré d’avancement présent et futur des bâtimens en construction, composition et force des équipages, composition, organisation, personnel, matériel, résidence, recrutement passé et prochain de chaque corps d’armée et de chaque régiment. De même en finances, en diplomatie, dans toutes les branches de l’administration laïque ou ecclésiastique, dans l’ordre physique et dans l’ordre moral. Sa mémoire topographique et son imagination géographique des contrées, des lieux, du terrain et des obstacles aboutissent à une vision interne qu’il évoque à volonté et qui, après plusieurs années, ressuscite en lui aussi fraîche qu’au premier jour. Son calcul des distances, des marches et des manœuvres est une opération mathématique si rigoureuse que plusieurs fois, à deux ou trois cents lieues de distance, sa prévision militaire, antérieure de deux mois, de quatre mois, s’accomplit presque au jour fixé, précisément à la place dite[1]. Ajouter une dernière faculté, la plus rare de toutes ; car

  1. Bourrienne, II, 116, IV, 238 : « Il avait peu de mémoire pour les noms propres, les mots et les dates ; mais il en avait une prodigieuse pour les faits et les localités. Je me rappelle qu’en allant de Paris à Toulon, il me fit remarquer dix endroits propres à livrer de grandes batailles... C’était alors un souvenir des premiers voyages de sa jeunesse, et il me décrivait l’assiette du terrain, me désignait les positions qu’il aurait occupées, avant même que nous fussions sur les lieux... » Le 17 mars 1800, piquant des épingles sur une carte, il montre à Bourrienne l’endroit où il compte battre Mêlas; c’est à San-Juliano. « Quatre mois après, je me trouvai à San-Juliano avec son portefeuille et ses dépêches, et, le soir même, à Torre-di-Gafolo, qui est à une lieue de là, j’écrivis sous sa dictée le bulletin de la bataille » (de Marengo). — De Ségur, II, 30. (Récit de M. Daru à M. de Ségur : Le 13 août 1805, au quartier-général des côtes de la Manche, Napoléon dicte à Al. Daru le plan complet de la campagne contre l’Autriche.) « Ordre des marches, leur durée, lieux de convergence ou de réunion des colonnes, attaques de vive force, mouvemens divers et fautes de l’ennemi, tout, dans cette dictée si subite, était prévu à deux mois et deux cents lieues de distance... Les champs de bataille, les victoires et jusqu’aux jours mêmes où nous devions entrer dans Munich et dans Vienne, tout alors fut annoncé, fut écrit comme il arriva... Daru vit ces oracles se réaliser à jours fixes jusqu’à notre entrée à Munich; s’il y eut quelques différences de temps et non de résultats entre Munich et Vienne, elles furent à notre avantage. » — M. de La Vallette, Mémoires, II, p 35. (Il était directeur général des postes) : « Il m’est arrivé souvent de ne pas être aussi sûr que lui des distances et d’une foule de détails de mon administration, qu’il savait assez pour me redresser.» — Revenant du camp de Boulogne, Napoléon rencontre un peloton de soldats égarés, leur demande le numéro de leur régiment, calcule le jour de leur dopait, la route qu’ils ont prise, le chemin qu’ils ont dû faire et leur dit : « Vous trouverez votre bataillon à telle étape. » — Or, « l’armée était alors de 200,000 hommes. »