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duc d’Orléans, qui s’est mis à la tête d’une compagnie du 17e léger, reçoit une contusion à la jambe. À droite, les zouaves et le 2e léger, franchissant les ravins d’un seul élan, abordent dans le cimetière les réguliers de l’émir, les rompent et les poussent en désordre. Le général Oudinot, atteint d’une balle à la cuisse, remet le commandement de la première brigade au colonel Menne, du 2e léger. Le bataillon de ce régiment qui tenait la droite et couvrait de ce côté le flanc de la brigade, avait laissé en France son commandant, vieil officier d’âge à prendre sa retraite ; c’était un capitaine qui le commandait par ancienneté. Ce capitaine avait quarante-deux ans et douze années de grade ; il avait servi dans la garde royale et passait pour légitimiste ; il se nommait Changarnier. « Si le maréchal Clauzel, a-t-il écrit plus tard, eût été près de nous et dans une de ces veines d’inspiration qui n’ont pas été rares dans sa carrière, la batterie de l’émir aurait été prise par le 2e léger. » Mais le colonel Menne n’osa pas user de son commandement intérimaire pour autoriser le mouvement que demandait le capitaine Changarnier, et quand le maréchal, qui s’était porté à l’extrême gauche, fut revenu vers la droite, il n’était plus temps ; la nuit tombait, et les Arabes avaient retiré leurs pièces. Le combat, d’ailleurs, était gagné sur toute la ligne ; à l’arrière-garde, le 47e et les chasseurs d’Afrique avaient vigoureusement repoussé les cavaliers d’EI-Mzari. En somme, l’affaire, bien conçue, lestement menée, courte et peu sanglante, faisait beaucoup d’honneur au maréchal et à ses troupes. C’était la revanche de la Macta.

À neuf heures du soir, l’armée bivouaqua sur la rive gauche de L’Habra. Le 4 décembre, à six heures du matin, elle passa la rivière comme elle avait passé le Sig. À la place du général Oudinot blessé, le général Marbot, aide-de-camp du duc d’Orléans, commandait la première brigade. La marche parut d’abord indiquée dans la direction de Mostaganem, où l’on disait que le maréchal voulait déposer ses blessés, peu nombreux d’ailleurs ; mais, au milieu du jour, l’avant-garde reçut l’ordre de tourner brusquement à droite et de s’engager dans la montagne par la gorge de l’Oued-Addad. On allait à Mascara. La gorge, faiblement défendue par l’ennemi, que la défaite de la veille avait découragé, fut occupée facilement. Pour l’armée française, les difficultés n’allaient plus venir des hommes, mais de la nature. Il y avait neuf lieues de montagne à franchir, sans route, par des sentiers de mulet ou de chèvre, coupés de ravins, hérissés d’obstacles, à travers le chaos. Contre une attaque possible de l’émir, les dispositions de marche furent admirablement prises : trois brigades couvraient sur la droite le convoi que la quatrième protégeait à gauche ; mais, encore une fois, les hostilités se bornèrent, pendant tout le voyage, à quelques coups de