Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/722

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souvent en présence, mais en Allemagne même ? Il y a quelques jours à peine, M. de Bismarck en était encore à défendre son septennat militaire devant le Reichstag avec une vigueur d’éloquence qui ne s’est point lassée. Il n’a obtenu, malgré tout, ce qu’il demandait que pour trois ans au lieu de l’obtenir pour sept ans comme il le voulait, — et le parlement a été immédiatement dissous. Aujourd’hui, l’Allemagne est en plein mouvement d’élections, et, puisque le septennat a été la première ou, pour mieux dire, l’unique cause de la dissolution, il a nécessairement aussi le premier rôle dans l’agitation électorale. Il est bien clair que, pendant les vingt jours qui vont s’écouler encore d’ici aux élections, M. de Bismarck et tous ceux qui s’inspirent de lui ou qui croient servir ses desseins, ne négligeront rien pour émouvoir l’Allemagne en lui faisant sentir l’aiguillon du danger, pour exciter le patriotisme allemand et obtenir en fin de compte un parlement plus soumis. Le chancelier lui-même n’a pas dédaigné d’entrer en explications devant le Landtag de Berlin, d’exposer de nouveau dans son ampleur, dans sa précision la pensée du septennat, qui est tout simplement d’arriver à augmenter d’ici à un certain nombre d’années l’armée allemande de 200,000 hommes de plus. Ce qu’il faut ajouter, c’est que devant le Landtag, comme il l’avait fait devant le Reichstag, le chancelier n’a cessé de représenter cette augmentation de force permanente comme une sauvegarde défensive, comme un moyen de plus de décourager toute agression : c’est toujours pour la paix ! Il n’a pas dit un mot qui laisse croire à une aggravation récente des choses.

C’est qu’au fond, en effet, au milieu de tous ces bruits qui courent le monde, les relations de la France et de l’Allemagne semblent être restées ce qu’elles étaient, correctement aisées, et on ne voit pas chez M. de Bismarck la préoccupation de sortir de la politique qu’il retraçait dans ses premiers discours sur le septennat. Lorsqu’il disait que l’Allemagne n’attaquerait pas la France, que, s’il y avait une guerre, l’empire n’aurait pas d’alliés, il ne parlait pas évidemment à la légère ; ces paroles se liaient dans sa pensée à tout un ordre de considérations diplomatiques, à ses arrangemens récens avec la Russie, qui, à ce qu’il semble, ne lui aurait assuré sa neutralité que dans le cas où l’Allemagne serait attaquée et qui se serait réservé sa liberté d’action si l’Allemagne attaquait ou avait d’autres alliances. Rien n’indique jusqu’ici que M. de Bismarck soit si pressé de modifier la forte position d’attente et d’observation qu’il a prise. Avec son vigoureux génie, il se rend compte de tout. Il n’ignore pas le danger qu’il y aurait pour lui sans parler d’autres difficultés, à déchaîner la guerre contre la France sans provocation, sans prétexte sérieux, uniquement pour en finir Il sait que, s’il était victorieux, surtout s’il était victorieux, il créerait aussitôt à l’Allemagne les embarras d’une puissance démesurée, me-