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vation du mal. Ce n’est pas une solution. Ce serait aller gratuitement, sciemment, au-devant des plus redoutables crises, où la république elle-même deviendrait ce qu’elle pourrait. Il ne reste donc qu’une politique sérieuse, une évolution qui tendrait à un rapprochement, à une alliance de raison entre les fractions modérées de la chambre, et c’est aux républicains sensés, réfléchis, de savoir ce qu’ils ont à faire, comment ils doivent le faire.

Oh ! assurément s’ils ont la prétention d’imposer aux conservateurs l’abdication de leurs opinions et de leurs souvenirs, le désaveu de leurs traditions et de leurs actes ; s’ils veulent, à toute occasion, comme le faisait récemment encore M. le président du conseil à propos des fonds secrets, batailler avec la droite, ils n’ont pas besoin d’aller plus loin. Il est bien clair qu’ils doivent commencer par respecter leurs alliés, qu’ils auront à faire des concessions et sur les finances et sur les affaires religieuses, que les conservateurs ne peuvent entrer dans l’alliance sans obtenir des garanties pour les intérêts, les sentimens et les vœux de ceux qui les ont élus. Si les républicains que la gravité de la situation a déjà frappés ont assez de prévoyance, d’esprit politique pour donner ces garanties, pourquoi les conservateurs refuseraient-ils de se prêter à la fondation d’un gouvernement qui prendrait pour objet avoué de rendre à la France la paix murale, l’ordre financier, l’équité dans l’administration ? La question de conduite qui se pose pour les républicains se pose aussi pour les conservateurs. Que dans la droite monarchique, royaliste ou impérialiste, il y ait des hommes liés par leur passé ou par des traditions personnelles, qui se refusent à ce qu’on appelle une transaction, qui tiennent à garder l’indépendance de leurs opinions et de leur position, c’est possible, cela n’a rien d extraordinaire. Il y a toujours les ardens, les impétueux, ou si l’on veut les chevaleresques qui mettent leur honneur à protester contre les nécessités, qui se font une sorte de rôle d’une fidélité idéale et platonique ; mais en même temps, dans cette masse conservatrice qui a été envoyée à la chambre aux élections dernières, il y a sûrement bien des hommes, — qui préféreraient la monarchie, cela se peut, — qui n’ont cependant reçu et accepté d’autre mandat que d’être les serviteurs honnêtes et bien intentionnés du pays.

De quoi s’agit-il après tout ? Est-ce qu’il y a aujourd’hui à se prononcer sur la forme de gouvernement, sur le principe des institutions ? Nullement ; qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, la république existe. Tous les jours on la reconnaît de mille manières, on combat ou l’on vote les mesures qu’elle propose ; on renverse ou l’on soutient ses ministères. On vit bon gré malgré dans cette légalité constitutionnelle d’où on ne peut pas sortir. Toute la question est de savoir, si au lieu de ne former qu’un escadron volant et souvent bruyant entre les par-