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raissait absolument défavorable à cette réforme ; il a refusé, dans tous les cas, son concours à la commission, déclinant pour sa part toute responsabilité. Lorsqu’on est alié lui parler de la mairie centrale de Paris, il n’a donné aucun espoir aux partisans de Tautonomie parisienne. Quand, ces jours passés, dans la discussion du budget, les radicaux ont voulu supprimer les chapelains et les aumôniers des maisons de l’état, il s’y est opposé autant qu’il a pu. Hier encore il a sauvé tout au moins le principe du budget des cultes. C’est fort bien ! Malheureusement, M. le président du conseil est un homme qui s’arrête volontiers à mi-chemin, qui veut et ne veut pas. Il fait assez souvent comme M. le ministre de l’instruction publique, il a de mauvaises raisons pour soutenir les bonnes causes. Il combat la séparation de l’église et de l’état aujourd’hui, non parce qu’il la condamne, mais parce qu’il ne lui voit pas une majorité ; il la voudra peut-être demain si on veut bien lui donner une majorité. Il laisse la porte ouverte à tout ce qu’on voudra. Il s’enlève ainsi évidemment l’autorité d’une opinion précise et résolue. Il se ressent d’une position fausse comme chef d’un cabinet qui trouve sa faiblesse dans son incohérence même, dans les contradictions et les conflits d’opinions dont il est la personnification vivante. Ce n’est pas lui, on le sent bien, qui donnera à la France le pouvoir dont elle a besoin ; mais alors d’où viendra ce pouvoir ? Comment se constituera-t-il ?

Lorsqu’il y a quelques semaines, le ministère qui vit encore venait de naître, M. Clemenceau, qui ne manque pas de sagacité dans la tactique parlementaire, plaçait M. le président du conseil dans une alternative pressante. Il lui disait à peu près : Il faut prendre votre parti, il faut vous assurer du concours de l’extrême gauche et, par conséquent, faire ce qu’elle voudra, — ou bien tournez-vous vers la droite, tâchez de faire une majorité conservatrice contre l’extrême gauche. En dehors de ces deux politiques, il n’y en a pas d’autre ! — Eh bien ! c’est là justement la première question sur laquelle tous ceux qui pourraient être appelés au gouvernement, quels qu’ils soient, ont d’abord à prendre un parti et à se prononcer. On tournera autour de la difficulté tant qu’on voudra, c’est le nœud de la situation. Peut-on se proposer sérieusement d’aller encore plus vers l’extrême gauche ? Mais c’est précisément ce qui a tout compromis, et la paix morale et les finances et l’ordre administratif, — ce qui a créé cette anarchie où l’on se débat aujourd’hui. Pour renouveler et resserrer à l’heure qu’il est l’alliance avec l’extrême gauche, il faudra nécessairement la payer ; il faudra accorder aux radicaux et un redoublement de guerre religieuse par l’abolition du concordat, et le développement des dépenses scolaires, et la mairie centrale de Paris, et l’impôt sur le revenu : ce serait, en d’autres termes, chercher un remède dans la continuation et l’aggra-