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culé ; en dissimulant les déficits, on les a aggravés, et aujourd’hui encore on va d’expédient en expédient pour ne pas en venir au cruel aveu de la nécessité d’une liquidation, de nouveaux emprunts et d’impôts nouveaux. Moralement, on a allumé la plus dangereuse des guerres intestines. On a troublé et agité par une intolérance de secte une nation paisible au risque de l’affaiblir par les divisions nées de ces tristes querelles religieuses. Politiquement on a voulu toucher à tout, à des lois de protection sociale, à des institutions préservatrices, au personnel administratif ou judiciaire, et on a mis l’instabilité, la désorganisation partout. On a cru habile, sous prétexte d’union, de rechercher l’alliance des partis extrêmes, de partager avec eux le pouvoir ; on n’a fait que passer sous la dépendance des radicaux et inaugurer cette politique de l’agitation indéfinie contre laquelle se sont élevées les élections du k octobre comme une sorte de première protestation, de première manifestation de lassitude et de résistance. C’était une révélation, un avertissement devant lequel on est resté un moment déconcerté, dont on a hésité cependant à saisir la portée par une infatuation obstinée, par un faux point d’honneur de parti. Ou a fini par créer, par laisser se développer une situation où tout est plus que jamais indécis et obscur, où le gouvernement lui-même ne sait de quel côté se tourner pour trouver son équilibre et sa force, où de toutes parts se manifeste un même sentiment, c’est que cela ne peut pas durer, c’est qu’il faut à la France une direction, un vrai gouvernement. C’est la question du jour : elle se dégage de tout un ensemble de choses, de la fatigue du pays, de l’incertitude universelle, de ces discussions mêmes du budget qui agitent tout sans rien décider. Elle devient d’heure en heure d’autant plus pressante que les circonstances font une nécessité de ne plus rien livrer à l’aventure, de mettre fin autant que possible à des divisions, à des agitations meurtrières pour l’esprit national comme pour tout gouvernement.

La question existe, c’est bien certain. La crise est évidente ; elle n’est pas d’hier si l’on veut, elle continue, et en continuant elle risque toujours de s’envenimer. Mais comment en sortir ? C’est ici que commence la difficulté. Est-ce le ministère d’aujourd’hui qui peut se flatter d’avoir assez d’autorité pour redresser la marche des affaires publiques en France ? Ce qui est à remarquer, c’est que M. le président du conseil n’est peut-être pas le dernier à comprendre que ce n’est pas le moment d’agiter le pays, d’ajouter à des complications intérieures déjà assez sérieuses, de poursuivre et d’aggraver de périlleuses et irritantes expériences. On le dirait par iustans à voir son attitude, à entendre son langage. Lorsqu’il a été récemment appelé devant la coaimission occupée à délibérer gravement sur laséparatiou de l’église et de l’état, sur l’abolition du concordat, il n’a pas caché qu’il aimerait autant n’avoir rien à dire, que l’immense majorité du pays lui pa-