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œuvre de la « laïcisation ! » Dans ce cas, emprunts ou impôts déguisés, caisses noires, détournemens de crédits, tout est légitime et absous d’avance !

Cette passion de la « laïcisation, » ou, si l’on veut, cette manie républicaine, elle s’est, bien entendu, produite sous la forme de toute sorte d’amendemens dans la récente discussion du budget. Les radicaux veillent sur leur œuvre avec un zèle qui ne laisse pas d’être embarrassant pour le gouvernement lui-même. Ils ne le cachent guère, ils ne seront satisfaits et rassurés que lorsqu’ils auront chassé la dernière « robe noire, » pour parler leur langage, ou la dernière robe grise de la dernière école. Ils croient avoir déjà conquis l’école primaire, ils veulent conquérir plus complètement l’école secondaire, et ils n’(mt pas manqué de réclamer la suppression des aumôniers des lycées, comme ils avaient précédemment réclamé la suppression des chapelains des prisons ou de quelques asiles. Ils n’ont point, il est vrai, réussi encore pour cette fois. Il faut convenir, cependant, que le nouveau ministre de l’instruction publique, M. Berlhelot, à part la tolérance qu’il a invoquée, un peu pour l’honneur des principes, a eu recours à une étrange raison pour sauver ses aumôniers. Ce n’est pas qu’il tînt au service religieux des lycées, il n’a pas caché l’étonnement qu’il éprouvait de se voir obligé de défendre les droits des croyances catholiques. Il y avait seulement une difficulté à laquelle les impatiens ne prenaient pas garde, dont il a fait assez naïvement la confidence à la chambre : c’est que, si les aumôniers étaient supprimés, les lycées de l’état se dépeupleraient aussitôt ; les élèves seraient retirés par leurs parens, qui, sans être de bons catholiques, ont la faiblesse de tenir à la première communion, — et, dès lors, ne valait-il pas mieux temporiser, garder ces enfans pour leur donner l’éducation républicaine qui neutralisera les influences religieuses auxquelles ils sont encore soumis ? L’aveu est assurément précieux et donne la mesure de ce que M. le ministre de l’instruction publique entend par la tolérance : c’est une tolérance à temps, provisoire, le mot a été dit.

Les radicaux, quant à eux, n’en sont plus à ces ménagemens, à ces considérations de tactique. Ils laïciseraient tout d’un seul coup, ils voulaient même, ces jours derniers, laïciser le plain-chant par la suppression des maîtrises, coupables, à ce qu’il paraît, « d’inspirer le sentiment religieux. » Ils ne craindraient pas d’engager toutes les forces de l’état dans leur entreprise, de faire du gouvernement un chef de secte. Ils ont déjà tant obtenu, qu’ils se flattent d’aller jusqu’au bout, avec la complicité de M. le ministre de l’instruction publique lui-même, — et, ce qu’il y a de plus étrange, c’est l’accent de triomphe du rapporteur de la commission du budget opposant récemment aux résultats déjà acquis de la campagne de « laïcisation « la diminution du nombre des élèves des écoles libres, le succès décrois-