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autant que possible, éloignés du club et de chez « ces demoiselles, » il faut que « ces dames » leur permettent ou même leur offrent quelques-uns des menus agrémens dont ils ont pris l’habitude chez ces demoiselles et au club ; et, s’il est permis de le dire, il ne paraît pas que ces concessions soient trop pénibles à ces dames.

Une après-dînée dans un salon de ce monde, — ou plutôt dans un hall, — Chez un jeune ménage, entre intimes, et qui ne sont que cinq ou six, voilà exactement la petite fête à laquelle M. Dumas nous convie. Dans ces conditions, la liberté de langage et de tenue peut aller loin ; elle ne va pas si loin, en somme, qu’on aurait droit de le craindre : il y a quelqu’un là, un étranger, — Le public. Mais, enfin, ces gens-ci ont une occasion, s’il en existe, d’être « inconvenans; » et ils ont l’esprit de M. Dumas : comment s’étonner qu’ils ne préfèrent pas être « ennuyeux? » Ils ne le sont pas, oh ! non! j’estime particulièrement, comme un morceau achevé dans ce genre, l’entretien qui-roule autour de certaine demoiselle, ancienne maîtresse du gentilhomme, — ou plutôt du gentleman, — qui est le seigneur de céans, Lucien de Riverolles. Et je prise fort la silhouette de cette Rosalie Michon, indiquée ici en marge de la pièce : une coquine avec bandeaux à la vierge, ainsi qu’il s’en est formé, par compensation, depuis que tant d’honnêtes femmes portent des frisons à la chien. Et je fais mes délices de cet épisode : l’apparition de Carillac, vieux compagnon de plaisir de Lucien, comme ce Stanislas de Grandredon, — spirituel entre tous, — Comme cet Henri de Symeux, — relativement sévère et même prud’homme, — Et admis au même titre qu’eux dans l’intimité de Mme de Riverolles. Il présente, ce Carillac, un des cas extrêmes de cette dégénérescence dont ses amis laissent voir des symptômes variés. décadence du cerveau, et même de l’estomac! Jean de Carillac prend au sérieux la résistance de Mlle Michon, veuve de tout le reste de cette joyeuse bande ; et comme la maison de cette sage drôlesse est bien tenue, il y soigne sa gastrite, et il paye les petits soins en estime, jusqu’à ce qu’il les paye de son nom : « La camomille le rend respectueux; » pour lui, un jour, elle tiendra lieu à Mlle Michon de fleur d’oranger.

Cependant, à travers cette causerie (dialogue des vivans, à coup sûr!) le caractère de Francine et même celui de Lucien, qui reste fréquemment silencieux, ont commencé de se trahir; et aussi, de se marquer les degrés où sont les sentimens de l’un pour l’autre. Francine est honnête, foncièrement honnête, et amoureuse, et fière; mais si vive, si brave, que pour peu qu’elle soit inquiète, elle sera inquiétante. Le cœur, les sens, l’esprit en éveil, elle est toute à son devoir; mais elle exige que son devoir ne lui manque pas. Lucien est un homme du monde, un peu fatigué, un peu lourd, de goûts assez grossiers, d’intellect