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de l’histoire. Si le Dieu des Juifs est le vrai Dieu, il faut accepter en bloc, comme l’expression de la sagesse et de la sainteté souveraines, tout ce que l’Ancien-Testament nous rapporte comme ayant été voulu, fait ou inspiré par lui. Quelles que soient les protestations de la raison humaine, c’est la raison qui a tort. Elle a tort de réclamer contre les massacres en masse des infidèles, les pieux assassinats, les prostitutions sacrées, les absurdités scientifiques. Elle est sacrilège en demandant pourquoi, les Juifs exceptés, tous les hommes, jusqu’à la venue du Christ, sont plongés dans d’invincibles ténèbres, et pourquoi, depuis le Christ, les chrétiens seuls ont chance de salut. La révélation, si elle est nécessaire pour échapper aux flammes éternelles, est difficilement conciliable avec l’idée d’un Dieu bon. Aussi les orthodoxes ont-ils plus d’une fois pris à leur compte la doctrine même exprimée par le titre de l’ouvrage de Tindal : que le Christianisme est aussi ancien que la création. La philosophie de l’histoire de saint Augustin, celle de Bossuet, n’en sont que le développement plein de grandeur. L’évolution entière de l’humanité, de toute la nature, a pour unique raison de préparer l’avènement du christianisme, puis d’en propager le développement et d’en consommer le triomphe. Seulement, la révélation était nécessaire pour annoncer au genre humain des mystères qu’auparavant il pressentait peut-être, mais qu’il eût été, par lui-même, éternellement impuissant à découvrir. — Le genre humain, réplique habilement Tindal, était incapable avec ses seules forces de découvrir vos mystères; mais Dieu doit avoir traité tous les hommes de même façon; donc les doctrines qui ne sont pas révélées à tous également ne peuvent être les doctrines que Dieu impose également à tous les hommes. La raison, seule faculté accordée à tous sans exception, doit, en conséquence, suffire pour guider tous les hommes vers la vérité. Ou la raison seule juge, ou le scepticisme universel : voilà l’alternative. Car, dit Tindal, « la tentative même de détruire la raison par la raison démontre que les hommes n’ont que la raison à qui ils puissent se confier, »

Il conviendra de se demander tout à l’heure si ta raison a tant de vertu que cela. Pour le moment, suivons les conséquences que Tindal croit pouvoir tirer de sa critique. Si la raison est seule juge du vrai, de même la tendance à augmenter le bonheur du genre humain est le seul critérium de la vérité des croyances religieuses. « On ne saurait sans blasphème prétendre que Dieu exige quelque chose pour lui-même ou qu’il puisse infliger quelque châtiment qui n’aurait pas pour but l’amélioration du coupable. » Par là Tindal nie implicitement la possibilité des peines éternelles.

Les prêtres seuls, pour assurer leur crédit, ont pu imposer aux hommes des pratiques qui n’aient pas un rapport direct à leur bonheur.