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précédée du conseil municipal, s’était portée au-devant du gouverneur; l’intendant civil l’avait harangué. Le soir, il y eut des illuminations et des feux de joie. Le lendemain, on apprit avec stupeur que, le 21, pendant que la colonne revenait à Boufarik, la ferme de Baba-Ali, la grande propriété du gouverneur, avait été mise à sac et que les pillards n’étaient ni plus ni moins que des Hadjoutes. Aussitôt, passant d’un extrême à l’autre, les enthousiastes de la veille ne tarirent plus d’épigrammes au sujet de cette expédition dérisoire, et tous ceux qui l’avaient faite, même ces miliciens tout fiers d’avoir chargé au Bou-Roumi, en eurent leur part.


II.

Dans le drame qui avait pour nœud le désastre de la Macta, les affaires d’Alger même n’offraient qu’un intérêt secondaire : c’était la scène d’Oran qui captivait l’attention du public. Il y avait de ce côté-là un entr’acte dont on s’étonnait. Comment Abd-el-Kader n’avait-il pas poursuivi d’abord sa victoire? Comment n’avait-il pas anéanti sous Arzeu les vaincus démoralisés ? Comment n’avait-il pas surpris et attaqué, dans cette marche de flanc d’Arzeu à Oran, les escadrons réduits des chasseurs d’Afrique ? Comment enfin, pendant deux mois entiers, Oran n’avait-il pas même aperçu ses coureurs? Prudent homme de guerre, l’émir n’avait encore entre les mains qu’un instrument défectueux, fragile, facile à briser par la victoire autant que par la défaite. Était-ce une armée que ce rassemblement de goums sans cohésion, sans discipline, ardens sans doute à combattre, mais à piller bien davantage, lâchant l’ennemi pour le butin dès avant la fin de la bataille, et n’ayant plus d’autre idée que de retourner bien vite à leurs douars, mettre en sûreté leur part de pillage? Abd-el-Kader, le soir de la Macta, s’était trouvé presque réduit à ses réguliers, qui, dans le combat de Mouley-Ismaël, le 26 juin, avaient eux-mêmes beaucoup souffert; il lui fallait du temps pour les rétablir et les renforcer, plus de temps encore pour convoquer de nouveau ce qu’on peut appeler le ban et l’arrière-ban de la féodalité arabe, pour rappeler sous ses drapeaux tous ceux qui lui devaient le service. Voilà pourquoi, du 28 juin au 27 août, les alentours d’Oran furent si calmes que les Douair et les Smelay firent paisiblement leurs récoltes. Le 27 août, les coups de fusil recommencèrent; le 2 septembre, l’arrivée du 47e, le premier des régimens attendus de France, permit à la garnison d’Oran de se montrer hors de la ligne des blockhaus, où la prudence du général d’Arlanges la tenait confinée depuis deux mois. L’émir, qui s’était avancé jusqu’à Misserghine, se retira d’abord sur le Sig, puis sur l’Habra, et finit par rentrer dans la montagne.