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on ne tirait aucun profit, sont couvertes aujourd’hui de forêts de pins et de chênes représentant une valeur de 205 millions. L’œuvre a été accomplie en entier par les communes et leur a coûté 13 millions. Elles ont donc, indépendamment de leur salubrité recouvrée, acquis un capital quinze fois plus fort que leurs déboursés.

En Italie, le défrichement du lac Fucino a produit des résultats analogues. On voit, par ces deux exemples, combien ces opérations sont fructueuses et combien la France aurait d’intérêt à continuer l’amélioration de son propre sol, au lieu de dépenser ses capitaux à poursuivre, loin de son territoire, des entreprises ruineuses et qui ne peuvent conduire qu’à des désastres financiers.

L’amélioration sanitaire des campagnes a droit, comme celle des villes, à la sollicitude de l’état. Elle doit entrer à ce titre dans le plan général de la transformation hygiénique du pays. Celle-ci doit être poursuivie avec l’esprit d’ordre et la patience que comportent les entreprises considérables. Il importe tout d’abord de savoir ce qu’il y a à faire et, pour cela, de dresser sans retard ce que j’ai appelé le cadastre sanitaire de la France. Il faut faire, dans chaque commune, le relevé de tous les travaux à accomplir dans l’intérêt de l’assainissement, en précisant leur degré d’urgence, et établir le devis approximatif des dépenses que leur exécution entraînera. Ce travail peut être confié au corps des ponts et chaussées, dont l’honnêteté est au-dessus de tout soupçon et le savoir au-dessus de tout éloge. Les élémens de cette enquête, une fois réunis et coordonnés au chef-lieu du département, seront transmis au ministère compétent et confiés à l’examen d’une commission spéciale chargée de les contrôler et de dresser ensuite la carte hygiénique du pays. On pourra songer alors à l’exécution de ce vaste plan, en faisant faire d’abord les travaux les plus urgens et en venant au secours des communes trop pauvres pour en solder les frais. Il leur sera alloué, à cet effet, des subventions dont le chiffre sera réglé tous les ans et fera l’objet d’un crédit spécial inscrit au budget du ministère auquel ces travaux ressortiront. Cette somme ira grandissant chaque année, à mesure que les résultats pratiques de la transformation apparaîtront. En voyant avec quelle promptitude la mortalité et les maladies diminuent sous l’influence de mesures intelligemment prises, les municipalités et les populations elles-mêmes iront au-devant de sacrifices dont elles auront reconnu l’utilité.

Une œuvre de cette importance ne peut être conduite, avec l’esprit de suite qu’elle exige, qu’à la condition d’être soumise à une direction unique et compétente. La nécessité de réunir dans une seule main tout ce qui touche à la santé publique est depuis long-