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trembler l’Europe, la peste a reculé peu à peu devant la civilisation, qui l’a chassée de nos contrées pour la reléguer dans des pays où elle trouve encore les conditions de son développement. Depuis la grande épidémie de Marseille, en 1720, nous ne l’avons pas revue en France; elle s’est pourtant encore montrée sur quelques points de la Méditerranée : à Malte, en 1813; à Noïa, en 1815; aux Baléares, en 1819, et, tout récemment, en 1878, elle a fait sur l’Europe un retour offensif. Elle a franchi la mer Caspienne et fait explosion sur les bords du Volga, au milieu de quelques villages de pêcheurs. Les procédés énergiques et expéditifs du général Loris Mélikof en ont eu promptement raison, et, depuis, elle reste confinée entre le Tigre et l’Euphrate ; elle apparaît cependant de temps en temps en Perse et en Arabie, où elle est attirée et entretenue par la misère, la malpropreté et l’incurie des habitans.

Les gens qui ne veulent pas reconnaître le progrès font observer que le choléra a remplacé la peste et que nous n’y avons pas gagné grand’chose. Les chiffres sont là pour répondre à cette objection. La peste noire a détruit le quart de la population de l’Europe, et l’épidémie de choléra la plus meurtrière, celle de 1832, n’en a pas enlevé la quatre-centième partie. Le choléra, du reste, va lui-même en s’atténuant à chaque épidémie. Les trois premières ont causé, en France, 346,478 décès, soit 115, 492 chacune, pour une population moyenne de 34 millions d’habitans que la France comptait alors, et la dernière n’a fait que 8,401 victimes, sur plus de 37 millions d’habitans. Cette décroissance est encore plus frappante lorsqu’on la constate dans un grand centre de population où les statistiques présentent plus de garanties que dans l’ensemble du territoire. C’est ainsi qu’à Paris, depuis la première invasion, les ravages du choléra ont diminué dans la proportion suivante :


Épidémie de 1832 19,402 décès 234.16 pour 10,000 habit.
— 1849 19,105 — 185.31
—1854 8,300 78.84 —
— 1873 855 — 4.61
— 1884 913 — 4.07


Ce n’est pas seulement par la diminution du nombre des morts que les épidémies récentes ont signalé leur atténuation, c’est aussi par le choix de leur terrain et de leurs victimes. La dernière n’a guère frappé que les localités les plus insalubres et les personnes épuisées par une maladie antérieure, par la misère ou par l’alcoolisme. Ce sont les trois grandes villes les plus malsaines du littoral