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plus nobles aspirations de l’âme. C’est le contraire qui est la vérité. L’hygiène n’enseigne à ceux qui l’écoutent ni le culte de l’argent, ni le goût des jouissances matérielles ; elle leur inspire l’amour du travail et celui de la famille. Elle apprend aux hommes à élever leurs enfans en vue des devoirs qu’ils auront à remplir un jour et des sacrifices que le pays pourra leur demander. Elle leur montre la route à suivre pour rendre les jeunes générations saines et robustes, parce que leur progrès moral et intellectuel est à ce prix. Si parfois une âme d’élite se fourvoie dans un corps débile et difforme, c’est qu’elle se trompe. La trempe du caractère, la bonté du cœur, les austères vertus, sont les compagnes habituelles de la force et de la santé. S’il est bon d’avoir connu l’infortune pour prendre pitié des autres, s’il est vrai qu’on ne compatit guère qu’aux maux qu’on a soufferts ou qu’on redoute, la misère et la douleur prolongées sont mauvaises conseillères ; elles étouffent l’intelligence et rétrécissent le cœur. A force de souffrir, l’homme se révolte et devient égoïste, tandis que le bonheur le rend charitable. Il se fait meilleur en devenant plus heureux et, si l’hygiène a d’abord pour auxiliaires des impulsions d’un ordre peu relevé, elle ramène les sociétés dans la voie du progrès moral et intellectuel, par des chemins que seule elle peut leur ouvrir.

Les services qu’elle rend sont d’autant plus appréciés qu’ils sont évidens et palpables. La thérapeutique a des incrédules, l’hygiène n’en connaît pas. Son langage est intelligible pour tous les hommes éclairés; elle n’impose aucun sacrifice en échange des services qu’elle rend. Compagne du bien-être et du confortable, elle marche de pair avec eux. Les dépenses qu’elle nécessite sont de l’argent bien placé, car il n’y a rien de plus dispendieux que la maladie, si ce n’est la mort, et tout ce qu’on donne à l’hygiène se traduit en fin de compte par une économie réalisée. Ces vérités sont aujourd’hui banales ; mais il était indispensable de les formuler, avant d’aborder le point particulier qui fait l’objet de cette étude.

L’hygiène publique s’adresse surtout aux agglomérations humaines, et son importance va croissant avec le chiffre des populations réunies dans un même lieu.

Dans les campagnes, elle n’exige pas les mêmes sacrifices et n’a pas les mêmes moyens d’action que dans les villes. C’est à chaque propriétaire, à chaque fermier qu’il appartient de s’occuper de son habitation, et, dans les hameaux comme dans les villages, il en est de même. La population n’est pas assez nombreuse pour constituer par elle-même une cause d’insalubrité et, s’il en existe dans le voisinage, la commune n’a pas les ressources nécessaires pour la faire disparaître à l’aide des procédés dispendieux que de pareils