et les lui pardonne tous. » L’abbé et le prieur avertirent l’écolier, et lui, dans une grande joie, remercia Dieu. »
Mais les exemples de ce genre ne présentent pas ces traits de gaîté et d’observation satirique dont les contes français sont remplis et qui sont un élément important du roman. Les uns sont mystiques ; les autres, dans lesquels figure le diable, à qui les saints jouent les meilleurs tours du monde, sont faits pour exciter le gros rire; on est également loin de la vie réelle dans les deux cas. Il est donc difficile, au moment où se termine le moyen âge anglais, d’entrevoir l’époque où quelque chose d’analogue au roman actuel pourra naître ; à la différence de la France, ce moment paraît extrêmement éloigné. Il était proche, pourtant, dans la réalité, et le grand âge de la littérature anglaise, l’époque d’Elisabeth et de Shakspeare, allait fournir, en Angleterre, les premiers spécimens du vrai roman.
Un des effets les plus remarquables de la Renaissance fut le réveil des curiosités assoupies. Le régime médiéval venait de prendre fin ; ses ressorts étaient usés, ses mystérieuses causes d’influence dévoilées, ses épouvantails raillés. Les armures commençaient à paraître incommodes; les tours des châteaux-forts, obscures et trop fermées aux joies de la vie; les raisonnemens scolastiques étaient vieillis; la foi aveugle démodée; un monde finissait et tout ce qui s’affaissait avec lui paraissait, aux yeux de la jeune génération, hors de saison et « ennuyeux comme un conte deux fois raconté. » Entre le moyen âge et l’âge moderne, la rupture fut complète dans certains pays, partielle dans d’autres, et la renaissance eut, par suite, des résultats bien différens chez les divers peuples d’Europe. Mais chez tous le même symptôme caractéristique d’une ardente curiosité fraîchement éveillée se manifeste; il ne s’agit plus de continuer, mais de comparer et de découvrir. Que disaient les anciens Grecs et les vieux Romains? Que pensent nos voisins? Quelles sont leurs formes de style, leurs inventions récrites? L’Angleterre rivalise avec la France dans ses curiosités juvéniles et ses poètes, et ses voyageurs mettent au pillage non-seulement Athènes et Rome, mais Florence, Paris, Venise et toutes les villes lettrées de France, d’Italie et d’Espagne.
Dans les diverses branches des connaissances et de l’activité humaines, cette curiosité pousse les Anglais en avant. Avec une audace digne des vikings scandinaves, après avoir détruit l’Armada, ils vont brûler à Cadix la flotte espagnole, découvrir en Amérique de nouvelles terres et leur donner le nom de « Virginie » en l’honneur de leur reine et tenter l’impossible tâche de découvrir à travers