Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/575

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la locomotion terrestre, parce que la mer est l’élément naturel des Grecs. Ils ont donc commencé à établir des services internationaux avec de grands et beaux navires. J’en pourrais citer une trentaine, appartenant à quatre ou cinq compagnies dont deux seulement sont anonymes, d’autres portent les noms de leurs chefs, MM. Goudis, Vallianos, Théophilatos. Deux de ces navires sont de 1,200 tonnes, un de 1,000, d’autres de plus de 900. Un service rapide est fait par navire grec entre Brindisi et Corfou ; il permet de se rendre de Paris à Athènes en moins de quatre jours, si le voyage n’est pas troublé par des quarantaines. Quand j’allai en Grèce pour la première fois, on descendait de Paris à Marseille par les diligences et les bateaux du Rhône. L’état faisait alors le service des postes sur la Méditerranée; ses bateaux touchaient à tous les ports pour y «faire du charbon. » On passait à Messine, on stoppait dans le port de Malte. Toute une nuit notre vapeur lutta contre le vent du nord au cap Malée, sans pouvoir le franchir ; la lame balayait le pont ; les bottes, les chapeaux et les malles nageaient dans l’entrepont de cabine en cabine. Le dixième jour on arrivait au Pirée. Faute de grandes industries, ce ne sont pas les Hellènes qui ont perfectionné les machines et les bateaux ; mais ils ont profité des perfectionnemens ; avec ces puissans engins, ils manient mieux la mer aujourd’hui que les Français d’alors.

Un nouvel élan sera donné à la navigation hellénique par l’ouverture du canal de Corinthe. Les premières études qui ont préparé cette entreprise ont été faites en 1869 par un membre de l’école française, M. Gorceix, directeur de l’école des mines d’Orto, au Brésil. Les travaux ont commencé en 1882 et ont mollement avancé pendant trois ans ; l’année dernière et cette année, on y a mis plus d’activité; ils seront terminés, dit-on, à la fin de l’année prochaine. Cela fera un laps de cinq à six ans pour exécuter une œuvre de faibles dimensions. La tranchée n’a que 6,000 mètres de long; le canal, à voie simple, n’a que 22 mètres de large sur une profondeur de 8 mètres. Il est vrai que le point culminant de l’isthme est à 80 mètres au-dessus de la mer et que le cube des déblais est évalué à près de 8,000,000 de mètres. Le capital a été fixé à 33 millions de francs; il est évident que la construction du canal est loin d’atteindre un chiffre aussi élevé et qu’une notable portion du capital répond à des dépenses accessoires. Beaucoup de personnes, même des marins, prétendent que le canal de Corinthe ne sera utile qu’aux bateaux grecs et qu’il rentrera, comme les chemins de fer, dans la classe des industries locales. Si l’on veut ouvrir un atlas, enverra qu’une ligne étant tracée du cap Spartivento au Matapan et du Matapan à Smyrne, toute la navigation des ports situés au nord de cette ligne prendra la