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du grand Canaris lui a survécu ; nous l’avons connue ; elle était plus modeste encore que le héros ; elle passait souvent une partie de ses journées assise avec les gardiens, retraités militaires, dans le vestibule de l’acropole : on y redisait les choses de la guerre sacrée. J’ai ouï dire que presque tous les autres héros du même temps, j’entends les vrais, ceux qui n’avaient pas trempé dans la politique, avaient eu les mœurs simples et douces que nous avons constatées chez les derniers survivans.

A la période héroïque a succédé, dès la fin de la guerre, celle des politiciens ; je ne veux pas dire des hommes politiques ; car de ceux-ci le nombre est toujours rare en tout pays, même en Grèce, pays où la politique a été inventée. Selon, Thémistocle, Clisthènes, Périclès, Démosthènes, sont les noms des créateurs de la politique, et ces hommes, en politique, sont restés les instituteurs du genre humain. Les politiciens grecs, à partir de 1830, n’ont point ressemblé à ces grands hommes. Les puissances, qui avaient fait la Grèce, avaient pris le titre de puissances protectrices ; elles n’en remplissaient guère le rôle. Chacune d’elles prétendait exercer une influence prépondérante, sinon exclusive, dans cet état nouvellement né. La Russie eut Capo d’Istria, qui fut tué. L’Angleterre eut la fâcheuse affaire du juif Pacifico. La race allemande prétendit s’implanter en Grèce avec le roi mineur Othon et une régence dilapidatrice. Les Grecs arrivant aux affaires y trouvaient la lutte entre les puissances et ne pouvaient guère exercer ni garder le pouvoir sans s’appuyer sur l’une d’elles. Aucun état de choses n’était plus fait pour corrompre les mœurs politiques d’une nation, surtout d’une nation à peine sortie de la servitude. On vit donc des compétitions derrière lesquelles s’abritait l’antagonisme des nations européennes. Celles-ci se découvraient même quelquefois, se substituaient ostensiblement aux ministres hellènes derrière lesquels elles s’étaient cachées.

Comme c’est là un passé déjà lointain, nous n’avons pas à y revenir en ce moment. Disons seulement qu’une déconsidération rapide était le résultat inévitable d’une corruption politique dont la source n’était pourtant pas dans le pays. On n’en cherchait pas la cause, on n’en regardait que les effets. En Occident, on se demandait si c’était pour d’aussi pauvres résultats qu’on avait pris en main la cause des Hellènes et fait pour eux tant d’efforts et de sacrifices. La réaction ne tarda pas, et de l’enthousiasme pour les héros de la lutte, on passa au dénigrement. Il y eut, à Athènes même, un Anglais de savoir qui dit tout le mal possible de ses hôtes; un Allemand voulut prouver que les Grecs modernes étaient des Slaves et non des descendans des anciens Hellènes. Chez nous, le point culminant de la réaction iut marqué par les publications mordantes de M. About,