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félicite les braves troupes sous ses ordres du courage et de la résignation qu’elles ont montrés dans leur mouvement sur Constantine, en supportant avec une admirable constance les souffrances les plus cruelles de la guerre. Honneur soit rendu à leur caractère! Un seul a montré de la faiblesse ; mais on a eu le bon esprit de faire justice de propos imprudens on coupables, qui n’auraient jamais dû sortir de sa bouche. » Sans être aussi écrasant que celui du 26, cet ordre du jour pesait lourdement sur le général de Rigny. Le 1er décembre, il écrivit de Bône au ministre de la guerre pour demander un conseil d’enquête. Après avoir vu le rapport du maréchal et visé la loi du 21 brumaire an V, par laquelle « est réputé coupable de trahison tout individu qui, en présence de l’ennemi, sera convaincu de s’être permis des clameurs tendant à jeter l’épouvante et le désordre dans les rangs, » le ministre de la guerre déféra le général de Rigny au jugement du conseil de guerre séant à Marseille. Les débats remplirent trois audiences; le général fut acquitté ; s’il eût été déclaré coupable, c’était la mort.

Parmi les tristes récriminations qui faisaient un si fâcheux épilogue à l’expédition de Constantine, et pour en finir avec elles, il suffira d’indiquer une protestation des officiers du 62e contre les termes d’un dernier ordre du jour signé par le maréchal, au moment où il allait s’embarquer, avec le duc de Nemours, pour Alger, le 4 décembre. Après de nouveaux remercîmens aux troupes : « Ces paroles, ajoutait l’ordre, ne s’adressent pas à ceux qui, après avoir abandonné ou pillé le convoi de vivres, ont mis le corps expéditionnaire dans l’impossibilité d’atteindre le but qu’il se proposait. Victimes de leur intempérance, ils ont été cruellement punis de leur faute, et leur exemple trouvera peu d’imitateurs dans l’armée. Tout soldat digne de ce nom sait qu’à la guerre l’énergie des hommes fermes, de ceux qui fixent la victoire, s’accroît en raison des obstacles qui lui sont opposés, et que le courage n’est rien sans ordre ni discipline. » Au tort de protester contre le général en chef, les officiers du 62e avaient ajouté celui de publier leur protestation dans les journaux; à la suite d’une enquête dont la ministre avait chargé spécialement le général Bugeaud, treize d’entre eux furent mis en retrait d’emploi.


VII.

Rentrée à Bône le 1er décembre, la colonne expéditionnaire, qui en était partie du 8 au 13 novembre, avait été dissoute. Rn trois semaines, elle avait perdu plus de sept cents hommes par le feu on par fa misère; sur ce nombre onze officiers et quatre cent quarante-trois soldats avaient été tués à l’ennemi. Les hôpitaux de Bône reçurent