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cette période de paix faite pour marquer dans la vie d’une génération: il a même improvisé une citation de Tacite, quindecim annos, etc., en témoignant la confiance que « ce temps se prolongera par la sagesse des gouvernemens et pour le bonheur des nations. » Avant le chef de l’état, M. le président du conseil, pour sa part, dans ses réceptions, avait déclaré que, dans les rapports de la France avec les puissances étrangères, « avec toutes les puissances, » le gouvernement ne voyait rien, ne connaissait rien qui pût justifier les préoccupations inquiètes de l’opinion. Cela n’excluait pas, bien entendu, dans la pensée du chef du ministère, le soin patriotique que la France devait toujours mettre à veiller sur les forces gardiennes de sa sécurité nationale, à maintenir l’intégrité de sa puissance militaire. Il n’est pas jusqu’à M. le président de la chambre des députés qui, en reprenant encore une fois, pas plus tard qu’hier, possession de son siège, n’ait cru devoir défendre la France de tout ce qui ressemblerait à « une fièvre d’inquiétude et d’impatience. » M. Floquet, lui aussi, a débuté dans sa nouvelle présidence en rendant témoignage de son attachement pour la paix.

Tout cela veut dire que, s’il y a de mauvais présages, il y aussi des signes plus favorables, et que chez ceux qui répondent de la position de la France dans le monde, il y a au moins le sentiment de la gravité des choses, la bonne volonté de se défendre des témérités périlleuses, des vaines excitations. Voilà qui est au mieux pour un commencement d’année, et ce qui vaudrait mieux encore, ce serait qu’avec la session nouvelle ministres et politiques de parlement en vinssent à comprendre que la meilleure garantie de la paix extérieure serait d’avoir un gouvernement intérieur, — un vrai gouvernement sensé, mesuré, sachant ce qu’il veut, s’inspirant des intérêts essentiels et permanens du pays, non des versatiles et anarchiques passions de parti.

Ce n’est pas qu’ici même, dans les affaires intérieures de la France, les bonnes paroles aient manqué à ces premiers jours de l’année nouvelle. Il y a eu de bonnes paroles et même parfois des apparences de bonnes résolutions. Assurément, à ne considérer que ce que M. le président du conseil a dit dans ses réceptions du jour de l’an, dans les entretiens qu’il a eus avec tous ceux qui sont allés lui porter leurs complimens, leurs avis ou leurs doléances, on pourrait croire qu’il y a une sorte de velléité renaissante de gouvernement. M. le président du conseil, dans ses allocutions assez nombreuses, dans sa réponse au préfet de police, dans ses encouragemens aux gardiens de la sécurité publique, ne manque pas sans doute de mêler les réactionnaires et les révolutionnaires : c’est un thème connu et banal qu’il reprend à son usage. Il n’a pas moins tenu un langage assez net, en se montrant