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Mais M. Gladstone ne se contentera pas d’avoir séduit l’Irlande. Il espère encore séduire l’Angleterre, la rallier à ses projets, auxquels il reste attaché avec une ténacité que rien n’affaiblit. À la fin d’août dernier, au moment où il partait pour la Bavière, il laissait derrière lui une grosse brochure sur l’état passé et présent de la question. Les conclusions de ce pamphlet, et des commentaires récens qui sont venus en accentuer encore la signification, attestent que le grand old man compte sérieusement sur une revanche. On y voit établi, avec une grande précision de détails, que les électeurs d’Écosse ont, aux élections de juillet, approuvé le home rule par 3 contre 2, ceux d’Irlande par 4 1/2 contre 1, ceux du pays de Galles par 5 contre 1. Des quatre nationalités dont se compose la Grande-Bretagne, 3 se sont donc prononcés pour la politique gladstonienne. En Angleterre, il y a eu 129 élections pour le home rule et 336 contre ; mais la minorité appartient aux régions les plus intelligentes du royaume, Yorkshire et Northumberland[1]. À considérer l’ensemble des résultats électoraux, la majorité dans la chambre des communes est actuellement de 110 voix contre le home rule. « Le marquis de Salisbury, dit M. Gladstone, déclare que ce verdict du scrutin est définitif, irrévocable. Qu’il ne néglige pas les leçons de l’histoire. En août 1841, les élections donnèrent naissance à une chambre engagée, par 91 voix de majorité, au maintien de la législation sur les céréales. Dans la même chambre, cinq ans plus tard (15 mai 1846), une majorité de 98 voix abrogeait cette même législation. »

M. Gladstone verrait-il sa prédiction se réaliser beaucoup plus tôt qu’il ne le pouvait lui-même espérer ? Dans les derniers jours de 1886, le parti conservateur, si confiant après l’acte solennel d’adhésion des unionistes, a subi un choc aussi sérieux qu’inattendu.

  1. Appréciation peu flatteuse pour le centre et le sud-est, et surtout pour Londres. Mais M. Gladstone a toujours estimé que la population de la capitale n’avait pas le sens politique. Londres, aux dernières élections générales, a élu 48 unionistes ou conservateurs et 11 gladstoniens.