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et à parer la plupart des coups que M. Gladstone ne manquerait pas de porter au gouvernement.

Bien que les whigs et les radicaux se fussent engagés à donner leur appui aux conservateurs en tout ce qui se rapportait au traitement de la question irlandaise, ils n’entendaient nullement enchaîner leur liberté d’action sur toutes les autres questions de politique générale. Dans une conférence des deux groupes tenue chez lord Hartington, à Devonshire-house, le matin même du jour où se réunissait le nouveau parlement (5 août), on délibéra sur la ligne de conduite et sur l’attitude qu’il convenait d’adopter. M. Chamberlain déclara qu’après tout ce qui s’était passé avant et depuis le vote du 7 juin, après tout ce qui s’était dit pendant la période électorale, il considérait comme un devoir de ne s’associer à aucun vote pouvant frayer à M. Gladstone le retour au pouvoir, aussi longtemps que celui-ci persisterait à réclamer l’autonomie législative pour l’Irlande dans les conditions posées par ses deux bills du mois d’avril. C’était s’engager beaucoup, et les circonstances pouvaient exposer cette résolution à de rudes épreuves; rien ne garantissait qu’aucune question, mettant son radicalisme aux prises avec la politique conservatrice, ne serait jamais soulevée. Aussi était-il tout disposé, parfaitement d’accord en ce point avec lord Hartington, à reconnaître que la scission du parti libéral ne devait pas se prolonger indéfiniment et à travailler lui-même pour sa part à le reconstituer. Lord Hartington insista sur la nécessité d’abandonner toute attitude hostile contre les membres du gouvernement précédent ; il importait de bien faire comprendre à M. Gladstone et à ses adhérens séparatistes que les unionistes ne désiraient rien tant que de voir rendue possible la prompte terminaison du plus pénible conflit. Afin qu’aucun malentendu ne put exister à cet égard, il fut arrêté que whigs et radicaux iraient siéger à côté des libéraux gladstoniens, et que ceux d’entre eux que leur qualité d’ex-ministres faisait membres du conseil privé useraient de leur droit de prendre place à côté de leurs anciens collègues sur le banc de l’opposition. Le soir même, à la chambre, M. Chamberlain vint donc prendre place près de M. Gladstone, qui se leva aussitôt pour lui serrer la main et s’entretint quelques instans sur un ton amical avec son autre voisin lord Hartington.

Il est vrai que le gros de l’armée gladstonienne ne parut pas animé de dispositions aussi conciliantes. Les libéraux séparatistes, furieux de la défaite de leur chef et leurs alliés les parnellistes, non moins irrités de la ruine de leurs aspirations au home rule, affectèrent d’abord de traiter avec un souverain mépris les dissidens, ces transfuges, ces traîtres. Il fallait excommunier en masse hartingtoniens