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sont tout aussi nègres que leurs ascendans noirs, tant par la couleur que par les traits. Il semble que les populations susiennes soient le produit d’un mélange d’élémens blancs difficiles à déterminer avec une race noire occupant antérieurement le sol. Le type mal fixé disparaît entièrement chez les mulâtres. D’ailleurs les habitans de Dizfoul ont la peau très brune, même dans les parties habituellement recouvertes par les vêtemens.

Indépendamment des indications historiques et archéologiques, on ne peut se défendre, lorsqu’on vit au milieu de ces peuples, de comparaisons avec les Négritos. M. de Quatrefages, en plusieurs occasions, a insisté sur le développement ancien de cette race noire. Aujourd’hui encore, elle peuple une partie de la Mélanésie; la présence de quelques-uns de ses représentans a été constatée dans les régions montagneuses de l’Inde, où, parias des parias, ils mènent une vie vagabonde et misérable, derniers vestiges des peuples noirs que les races blanches ont partout remplacés ; on en a retrouvé des tribus dans la presqu’île de Malacca et jusque dans les districts montagneux qui bordent à l’est le bassin du Mé-Kong. Il n’est pas douteux que l’extension de ces peuplades sur le continent n’ait été considérable. Peut-être même ont-elles contribué dans une forte proportion à la formation des races jaunes.

La population des environs de Dizfoul qui ne se rattache par aucun trait aux autres habitans de la Perse, paraît bien être une petite colonie de métis chez lesquels les caractères des ancêtres nègres ont prévalu à travers les siècles.

Amoindris, humiliés par les conquérans successifs du sol, ils sont à la dernière période de leur décadence. Ils supportent moins bien que les nomades la terrible chaleur de l’été. Confinés dans leurs caves pour échapper aux ardeurs du soleil, ils s’étiolent et s’anémient. A la fin de la saison chaude, amaigris et fatigués, ils sont méconnaissables.

Dans les entretiens que nous avions avec eux, la conversation tombait souvent sur l’inclémence du climat. Alors que nous commencions à être incommodés par la chaleur, ils nous disaient : « Il fait frais maintenant ; mais dans un mois nous serons frappés par le feu. » Alors commençaient des récits où, sous une fantastique exagération, se dégageait une impression de pays changé en fournaise.

En été, disaient-ils, les mouches et les moustiques sont tués ; il est impossible d’en trouver un seul, une balle de plomb se liquéfie si on la place sur le sable. En présence de nos sourires incrédules, ils insistaient, sobres de gestes, mais avec des mouvemens d’yeux très expressifs et les jeux de physionomie les plus variés.

Leurs yeux sont très beaux et très grands, malheureusement ils