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consulté, a bien voulu dresser à notre intention l’état civil et établir la filiation du premier. Quant au second, nous n’avons eu qu’à ouvrir les lettres de Mme de Sévigné, le jeu de mots que son nom lui a inspiré reste aisément gravé dans la mémoire. — Joseph Bonnet, né à Brignoles vers 1660, docteur en droit et avocat, avait épousé à Aix, le 24 septembre 1724, Marie-Andrée Holterman, fille de Jean-Pierre et de feue Françoise-Bénigne Guynet. Il avait publié, en 1733 et 1734, deux recueils d’arrêts du parlement de Provence et en préparait un troisième plus important, paru en 1737[1], au moment où il adressait au chevalier de Perrin l’injurieux factum analysé plus haut. Il mourut probablement l’année suivante. Tout concourt ainsi à attester la réalité du document en notre possession et l’usage qui en fut fait.

En ce qui concerne Autrement ou Holterman[2], son histoire est trop curieuse pour ne pas en dire quelques mots : le passage qui choquait si vivement l’avocat Bonnet se lit au tome IV, page 23, de l’édition de 1734. Mme de Sévigné y parle d’un petit Allemand extrêmement adroit, beau comme un ange, doux et honnête comme une pucelle, qui va répéter son allemand chez M. de Strasbourg, c’est-à-dire chez le prince de Furstenberg ; puis, elle ajoute ce très innocent calembour : « Je vous défie de deviner son nom, quoi que vous puissiez dire, je vous dirai toujours, c’est autrement ; c’est qu’il s’appelle Autrement : ma chère, j’ai trouvé ce nom admirable; je lui apprends à nouer des rubans : en un mot, je crois que vous vous en trouverez fort bien. » C’est tout, et le mot de valet n’est pas prononcé; mais il paraîtrait que nouer des rubans, ces rubans que portait Alceste, l’homme aux rubans verts, et qui ornaient les épaules, la ceinture et les genoux des gens du bel air, impliquait un office de domesticité. Autrement était bien valet de chambre du petit marquis, alors âgé de cinq ans, mais peut-être par vanité lui laissait-on prendre des allures de gouverneur et en affichait-il les prétentions. N’avons-nous pas maintenant des bonnes allemandes qui posent pour institutrices? et Autrement, dont la pauvreté est alléguée par son gendre, pouvait sortir de quelque famille d’obscure noblesse. Quoi qu’il en soit, lorsque, après avoir séjourné près de deux ans à Paris et y avoir fait amener son fils en 1679, Mme de Grignan retourne en Provence le 15 septembre de cette année, elle laisse derrière elle Autrement, qui ne part pas avant la fin de novembre, puisque, le 30 de ce mois, il écrit de Lyon où il compte

  1. Recueil d’arrêts notables du parlement de Provence, par M. Joseph Bonnet, avocat au même parlement; Aix, chez Claude Paquet, 1737, in-4o.
  2. Voyez l’édition Régnier, tome V, p. 92, en note. — M. Régnier suppose que la forme allemande du nom a dû être Otterman ou Osterman.