Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vos lettres, avant que de les envoyer ; laissez-vous surprendre à leur agrément, et consolez-vous par ce plaisir de la peine que vous avez d’en tant écrire. Vous avez donc baisé toute la Provence : il n’y aurait pas de satisfaction à baiser toute la Bretagne, à moins que l’on n’aimât à sentir le vin... Je comprends vos pétoffes admirablement; il me semble que j’y suis encore. » Ce qui veut dire que les dames d’Aix, dont Mme de Grignan venait de passer le défilé en revue, étaient pour la plupart fort ridicules, qu’elles sentaient l’ail au moins autant que celles de Bretagne sentaient le vin et qu’en définitive la lettre de Mme de Grignan en traçait un tableau des plus risibles. Avouons qu’il était difficile à Mme de Simiane, habitant la ville même où ces pétoffes avaient été recueillies de les livrer au public, sous le nom de sa mère. — Au reste, quand elle se débattait ainsi dans un dernier effort et qu’elle sollicitait de bien des côtés, sans doute, pour arrêter le chevalier, elle-même touchait à sa fin. Les volumes complémentaires parurent en janvier 1737, et Mme de Simiane mourut à Aix le 3 juillet de la même année.

Le chevalier de Perrin avait donc agi contre le gré et les intentions de Mme de Simiane, et, finalement, sous le coup d’une sorte de désaveu ; il est tout simple que ce soit à lui, éditeur responsable, correcteur attitré de lettres dont il avait en main les originaux, que soient venus s’en prendre ceux qui se crurent offensés par leur publication. Nul doute qu’il n’ait reçu bien des réclamations de ce genre ; mais comme il n’avait aucun intérêt à les divulguer, nous serions réduits à en soupçonner l’existence, si un heureux hasard ne nous avait livré un de ces documens, d’autant plus curieux qu’il est plus agressif à l’égard du chevalier de Perrin, plus comminatoire et appuyé d’argumens de nature à l’impressionner vivement.

Ce document[1], sur papier très jauni, est intitulé : « Lettre du sieur ***, advocat au parlement de Provence, à M. le chevalier Perin, correcteur des Lettres de Mme de Sévigné. » La suscription porte : A Monsieur le marquis d’Olivary, près

  1. Il a été trouvé dans les papiers de famille du marquis d’Olivary, ancien émigré, chevalier de Saint-Louis, propre fils de celui à qui il fut adressé : Henri Honoré d’Olivary, né à Aix le 7 septembre 1712, marié en premières noces, le 14 janvier 1741, avec Mariane de Lévêque; remarié, le 9 juillet 1771, avec Paule-Marie-Christine de Raffelis de Roquesante; mort le 24 août 1789. Sa veuve lui survécut cinquante ans, et son fils unique est mort plus de soixante-quinze ans après le décès de son père. Sa petite-fille avait épousé le comte Raynardi de Sainte-Marguerite, d’une ancienne famille de Nice, avec laquelle le chevalier de Perrin avait noué des relations lors de l’occupation française de 1746. De là les deux lettres relatées plus loin. — Nous devons ces détails et la connaissance des documens eux-mêmes à M. Paul de Faucher, arrière-petit-gendre du dernier marquis d’Olivary.