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16 février 1736, nous met au fait de la situation et de l’embarras du chevalier de Perrin, dont Mme de Simiane exigeait un désaveu formel, à défaut des épreuves qu’elle[1] aurait voulu avoir entre les mains. Anfossy, dans cette lettre, trace une peinture des plus vives du désespoir de Mme de Simiane. qu’il montre « la tristesse dans le cœur, le reproche au bout de la plume ; » elle est « la plus malheureuse des femmes, tous ses soins sont trahis, tout conspire à l’humilier ; » d’autre part, « le chevalier est trop engagé, et cette suite lui est nécessaire pour écouler les restes de l’édition des premiers volumes, qui ne lui ont pas rendu, à beaucoup près, ce qu’on pourrait s’imaginer. » — Anfossy attribue au contraste entre les histoires galantes de la grand’mère et la dévotion dont elle faisait parade les regrets de sa petite-fille; on a de même fait honneur aux scrupules religieux de Mme de Simiane, et Roux-Alphéran l’a répété de nos jours[2], du sacrifice qu’elle fit des réponses de sa mère, anéanties à cette occasion, en même temps que les originaux de Mme de Sévigné[3]. Mais il est un autre mobile, négligé jusqu’ici, qui peut avoir dirigé Mme de Simiane et dont le document qui va être signalé révèle toute l’importance, c’est l’influence du mécontentement local ; ce sont les cris des gens d’Aix ou des Provençaux qui se crurent atteints, soit directement, soit par allusion. Mme de Simiane cependant résidait au milieu d’eux et il n’était ni dans son intérêt ni dans ses désirs de les blesser, ne serait-ce que par des traits plaisans. Il est certain qu’à ce dernier égard les lettres de Mme de Grignan, toujours écrites de Provence, pleines de ses démêlés, semées d’historiettes et d’appréciations mordantes, avec les noms de tous ceux qui lui avaient déplu, n’auraient pu être publiées sans soulever une foule d’inimitiés; et voilà, selon nous, la vraie raison du refus obstiné de Mme de Simiane et de sa détermination, après de longues hésitations, d’anéantir ces lettres. Un seul exemple suffira pour servir de preuve, et le paragraphe suivant, textuellement extrait du tome m de l’édition de 1734, fera comprendre ce que contenait de moqueries le passage d’une lettre de sa fille, à laquelle Mme de Sévigné réplique dans ces termes[4] : «Mon Dieu, ma fille, que votre lettre d’Aix est plaisante ! Au moins relisez

  1. Édition de M. Régnier, tome XI, p. 10.
  2. Rues d’Aix, n, p. 173.
  3. Une phrase de la préface, placée en tête du cinquième volume de la première édition de Perrin, fait évidemment allusion à cette destruction, en disant que toutes les recherches qu’on a pu faire pour retrouver les réponses de la fille à la mère « ont été vaines et ne laissent aucune espérance pour l’avenir. »
  4. Aux Rochers, le mercredi 30 octobre 1675. — Édition de 1744, t. III. p. 69, lettre CCXXIX.