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offensif du duc de Savoie qui amena la prise des forts d’Exil et de Fénestrelle. — En 1709, ce fut le grand hiver, suivi de la famine. Les procureurs du pays, réunis à Aix à la fin de juin, y attendaient le comte de Grignan pour recevoir de lui des ordres et centraliser les avis reçus de partout sur l’état du pays et les mesures à prendre pour assurer l’alimentation publique. C’est du moins ce qu’annonce une lettre d’Anfossy du 25 juin, et un peu plus tard, en août, M. de Grignan recommande le maintien de l’ordre, la prohibition des transports de blés, la sévère punition de ceux qui s’y emploieraient directement ou indirectement. En même temps, les bruits relatifs à une nouvelle tentative de Cavalier, cherchant à s’introduire par la Savoie et le Dauphiné, reprenaient de la consistance; c’est ce qu’apprend une assez longue lettre du comte de Grignan, adressée de Marseille, le 17 août, à M. de Saporta. « Il se pourrait, écrit-il, que le chef des Camisards voulût retourner dans les Cévennes ou le Vivarais et qu’après avoir traversé le Dauphiné, il descendît en Provence. Il faut donc garder soigneusement les passages et examiner ceux qui se présenteront; arrêter les suspects; la récompense serait grande pour celui qui ferait le coup de mettre la main sur un pareil homme. » Et là-dessus, on envoie deux signalemens ou portraits, qui ne s’accordent qu’imparfaitement.

D’après l’un des portraits, Jean Cavalier, âgé d’environ vingt-six ans, est de petite taille, avec les épaules larges et hautes, les cheveux châtain clair, mais cachés sous une perruque, par suite des coups de sabre qu’il a reçus. Selon l’autre portrait, il est âgé de trente-cinq à quarante ans, de petite taille, assez pleine ; il a la tête enfoncée dans les épaules, la mine basse, le regard pourtant assez hardi. Inutile d’ajouter que Cavalier ne se fit pas prendre; mais on voit à quel point le spectre de la guerre civile hantait les imaginations. D’ailleurs, le Vivarais avait eu réellement cette année quelques mouvemens précurseurs de la tentative plus sérieuse de 1710. Celle-ci n’échoua que par la rapidité du maréchal de Noailles accouru de Catalogne pour reprendre Cette et Agde aux Anglais, qui s’en étaient emparés, tandis que Berwick repoussait les Piémontais descendus dans la vallée de Barcelonnette. En Provence, des achats de chairs salées avaient attiré l’attention et donné lieu à des recherches sur la demande du duc de Roquelaure et de M. de Basville. — Ainsi, jusqu’à la fin, toujours en mouvement, voilant peut-être, à force d’activité, le vide de ses derniers jours, le comte de Grignan luttait encore contre la vieillesse et la dominait. Courant de Marseille à Grignan et de Grignan à Aix ou à Lambesc, siège de l’assemblée des communautés qui tenait la place des