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des lettres de Mme de Sévigné à sa fille et les réponses de celle-ci, déposés entre les mains de Mme de Simiane, auraient été transmis à la famille de Vence, dont les archives demeurées intactes jusqu’en 1843 furent à cette date l’objet d’une vente publique. Aurait-on attendu jusque-là avant de publier la correspondance de Mme de Sévigné ? Ce n’est guère probable ; mais tôt ou tard, la publication se serait faite, non pas incomplète ni mutilée, et suivie de la destruction des originaux, mais avec le respect qui lui aurait été dû. Il est vrai que le chevalier de Perrin aurait perdu une occasion unique de passer du coup bel esprit et de parader dans les salons de Paris ; mais ce malheur, assurément très grand, n’eût pas été sans compensation, et nous sommes excusables de regretter égoïstement qu’il n’en ait pas été affligé.

La raison d’être de la fortune, bonne ou mauvaise, attachée aux lettres de Mme de Sévigné, de la chance qu’elles ont courue et da sort qu’elles subirent se trouve ainsi tout entière dans les circonstances, les passions et les incidens de la période, assez peu étudiée jusqu’ici, qui s’étend de la mort de l’aïeule à celle de la petite-fille et qui comprend une quarantaine d’années (1696-1737). C’est elle que nous allons interroger en insistant sur certains traits plus particulièrement caractéristiques. — Dans cette revue rapide nous ne quitterons guère la Provence. C’est là que vécurent, en effet, les personnes qui, tenant de plus près à Mme de Sévigné et aux Grignan, restèrent attachés à sa mémoire. C’est là et non pas ailleurs que se déroula le petit drame qui, d’acte en acte, conduit jusqu’au dénoûment final, nous voulons dire jusqu’à l’édition de 1754, qui suit de si peu la mort du chevalier de Perrin, de même que celle de Mme de Simiane avait coïncidé plusieurs années auparavant avec l’apparition des deux derniers volumes de l’édition précédente.

Alors, seulement, la scène demeure vide par la disparition du dernier des personnages qui avaient joué un rôle dans la pièce, pièce dont la bouffonnerie n’est pas exclue, comme nous le verrons, comique par bien des côtés et pourtant douloureuse à d’autres égards, semée de ruinés, d’angoisses, d’amertumes à peine voilées par la force d’âme de certaines figures, avant tout de celle de Mme de Simiane, en qui une sorte de grâce touchante, associée à la résignation et non exempte de fermeté, rappelle parfois la fatalité antique et fait songer à Antigone. — Ce n’est pas un tableau que nous essaierons de tracer, nous n’y parviendrions pas, mais une simple esquisse, et, même dans ces conditions, nous aurions hésité à l’entreprendre, si un heureux hasard n’eût mis à notre portée un certain nombre de documens inédits, quelques-uns trop significatifs pour ne pas nous engager à les faire connaître, tellement ils sont