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une, emprunté à la révolution ses soldats et sa méthode. Sans capitale, sans ressources, elle a pris à la papauté ses biens et Rome. La papauté n’a pas cessé depuis ce jour d’élever la voix : la spoliation, l’unité accomplie grâce à elle, la famille royale qui recueillait le fruit de l’iniquité, ont été ensemble condamnées par l’église. Quels prétextes pour en finir avec une religion qui, là, se déclare l’ennemie de l’état et se dresse comme irréconciliable avec le sentiment national ! Mais le génie italien est trop pénétrant pour ne pas comprendre que de pareilles luttes sont sans victoires. Autant il a été résolu dans les destructions nécessaires à son dessein, autant il a été attentif à n’aggraver par aucune blessure inutile les ruptures commencées. Il a couvert la spoliation du nom de la patrie, mais, la patrie faite, s’est souvenu qu’elle a une population catholique à satisfaire au dedans et aussi une clientèle catholique à assurer au dehors. Libre de chasser le pape, et forcée de le faire si elle voulait paraître vraiment maîtresse de Rome, l’Italie a reconnu à son irréconciliable adversaire le caractère souverain, elle a voulu garder sur son sol, et peupler d’Italiens, toujours attachés à leur race, ce gouvernement religieux qui étend dans le monde entier son action ; elle dispense du service militaire pour les donner à l’armée des missions les jeunes hommes que tente ce ministère, elle les envoie nombreux sur les rives de la Méditerranée, dans les pays même où nous exerçons notre protectorat, à Tunis, en Syrie, en Palestine ; elle rêve, car elle a toutes les audaces dans toutes les souplesses, de faire reconnaître son zèle par la papauté même, de recevoir des privilèges de la main qu’elle a dépouillée. Si le souvenir de ses attentats ne nous protégeait pas, elle nous aurait supplantés, mais elle est patiente, elle compte que la grandeur de nos fautes fera oublier les siennes, et elle ne tiendra son unité pour achevée que le jour où elle héritera de nous.

Même les nations étrangères au catholicisme, même celles qui, passionnées pour une autre religion, auraient le droit de le haïr et ont tenté de le détruire, reconnaissent sa puissance et se résolvent à vivre en accord avec lui. Nulle part peut-être « l’idolâtrie papiste» n’a excité plus de haines qu’en Angleterre, nulle part des mesures plus rigoureuses n’ont été prises contre les catholiques. Sur aucun point du territoire ils n’étaient traités en citoyens ; en Irlande, ils n’étaient même pas traités en hommes. La persécution qui devait assurer son repos l’a seulement troublé : elle a fini par reconnaître que la justice était la forme nécessaire de l’ordre. Elle a appris à respecter dans le catholicisme un élément de cet ordre, elle ne croit plus qu’il la menace, mais qu’il l’aide, elle tolère ses évêques, elle a noué des rapports avec le saint-siège; dans les jours sanglans