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régime le plus propre à assurer cette liberté. Ils peuvent accepter les principes proclamés par ce régime et en réclamer le bénéfice. La preuve sera trop facile à fournir que les promesses sont violées par les actes. Empêchés de se réunir, de s’associer, de posséder, d’exercer leur culte, ils prendront le pouvoir en flagrant délit de contradiction avec lui-même. L’état, pour priver de ces droits l’église, les refusera-t-il à tous les citoyens ? les catholiques deviendront les défenseurs de tout le monde et leur intérêt se confondra avec l’intérêt public. L’état excluera-t-il de ces droits les seuls catholiques? il lui faudra justifier l’exception. Tant que le concordat existe, l’équivoque est facile : on excite la jalousie populaire contre les privilèges accordés à l’église et, sous ce prétexte, on refuse à l’église part aux libertés communes; quoi qu’on entreprenne contre elle, on semble rétablir l’égalité. Mais, quand toute faveur aura été refusée aux catholiques, leur interdire par surcroît les libertés établies pour tous les citoyens deviendra une violation manifeste de la légalité. Sous quel prétexte? Il faudra soutenir à la face du pays que l’état, au nom de l’intérêt public, est maître de rendre les citoyens inégaux en droits, il faudra déclarer les catholiques suspects, ou parce que leur triomphe menace la république, ou parce que leur doctrine offense la vérité, c’est-à-dire proclamer que la liberté n’est pas due à l’erreur, pas même à la contradiction. Pour enlever à de certaines prétentions leur force, il suffit de leur enlever leur masque. Com- bien il sera facile aux catholiques de l’arracher ! Ils invoqueront à leur tour l’œuvre de 1789 contre les indignes héritiers qui la déshonorent. Il faudra leur répondre si la liberté proclamée par nos pères devait être un privilège accordé seulement à ceux qui auraient fait un pacte avec elle ou une loi commune destinée à gouverner tout le monde, même ses ennemis. Il faudra leur répondre si un gouvernement a le droit de tenir pour ennemis des hommes qu’il n’accuse ni de complot, ni de violence contre les puissances de ce monde, mais seulement d’erreur sur l’existence du monde futur. Il faudra leur répondre enfin au nom de quelle infaillibilité ce gouvernement accuse d’imposture des croyances religieuses. Ils établiront que la réforme fondamentale de la révolution est d’avoir soustrait à la compétence de l’état le jugement de la pensée, que la noblesse du régime nouveau est d’avoir ouvert à toutes les doctrines accès au tribunal de la raison humaine, et de s’être fié, pour assurer le triomphe des unes et la défaite des autres, à la supériorité de la vérité sur l’erreur; que tourner la puissance de l’état contre une opinion, c’est renier toute foi en l’ascendant naturel de la vérité; que persécuter une opinion religieuse, c’est appliquer la contrainte où elle est le plus illégitime ; que le gouvernement agit contre les croyans comme avant la révolution il agissait contre les incrédules, et que sa prétention