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naît l’inaction, et il suffirait d’une diminution dans les aumônes pour compromettre l’existence du culte. Une autorité soucieuse de son prestige n’ordonne que sûre d’être obéie; une autorité soucieuse de sa responsabilité ne s’expose pas à s’affaiblir par les ordres qu’elle donne. La même prudence qui dispose le saint-siège à céder beaucoup aux gouvernemens dans les pays de concordat, l’oblige à ménager fort les fidèles dans les pays où l’église est séparée de l’état. Il ne pourrait plus, pour mieux servir les intérêts généraux de l’église, imposer des sacrifices à l’opinion des catholiques français : il devrait faire à leur opinion les sacrifices nécessaires pour que ces catholiques continuassent à soutenir, en soutenant le culte en France, un des plus essentiels intérêts de l’église. Pourquoi, d’ailleurs, se mettrait-il en opposition avec le sentiment de ceux qui sont unis à sa cause? Pour épargner un état qui ne veut avoir rien de commun avec la religion? Le pape pousserait-il l’amour de la concorde jusqu’à faire la guerre à ses amis les plus résolus et ne se mettre en paix qu’avec ses adversaires? Le souci de l’avenir lui commande de hâter la ruine d’un gouvernement persécuteur et l’avènement des catholiques seuls capables de rendre à l’église le repos.

La rupture du concordat aura donc pour conséquence de rendre prépondérante l’influence des laïques dans la politique religieuse. Et, parmi les laïques, lesquels, saisissant l’autorité, dirigeront les autres? Ceux qui auront déployé le plus d’ardeur et fait le plus de sacrifices à la cause commune. Or les hommes enflammés par le zèle religieux seront les plus intraitables dans leur haine contre un gouvernement impie. Ainsi la hiérarchie naturelle de l’église sera en quelque maniée renversée. Les pouvoirs modérateurs, expérimentés, réguliers, perdront leur crédit, la direction de l’église, dans ses rapports avec la société civile, tombera aux mains les plus passionnées, les plus irresponsables, les plus incompétentes. Quand ceux qui sont constitués pour commander seront réduits à suivre ceux qu’ils devraient conduire, les passions humaines se mêleront aux vertus chrétiennes, un souffle de colère emportera tout le monde, et la force religieuse, tournée en esprit de parti, s’élancera d’un assaut furieux contre l’état qui l’aura bravée.


V.

Dans cette guerre, les catholiques ont le choix entre deux conduites.

Ils vivent dans un pays où, depuis un siècle, on proclame que le but suprême du gouvernement est de respecter et d’accroître la liberté humaine, ils vivent sous une république établie comme le