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la nation, avec le temps, se trouverait expropriée de son propre territoire : il faut limiter la nature des biens que l’église possédera[1]. Si cette église assemble en une seule société tous les catholiques de France, en un seul trésor toutes leurs ressources, en une seule action tous leurs efforts, un état est constitué dans l’état avec tous les moyens de mettre en échec la puissance publique : il faut briser cette unité dangereuse. Elle n’est pas indispensable aux fidèles, la nation n’est pas un centre d’autorité religieuse. L’unité de la foi confond en un seul tous les peuples catholiques, l’exercice du culte divise chacun d’eux en un grand nombre de familles : c’est en ces familles spirituelles, groupées par le même pasteur autour du même autel, qu’habite la vie religieuse, et il suffit que chaque fidèle, uni à ses frères les plus proches, ait le droit d’entretenir le foyer où ils exercent ensemble leur culte. La paroisse, tout au plus le diocèse, peuvent prétendre à une existence légale[2].

  1. Proposition de M. Boyseet et d’un grand nombre de ses collègues sur l’abrogation du concordat, prise en considération par la chambre le 13 mai 1882.— Proposition de MM. Yves Guyot et cinquante-huit de ses collègues sur la séparation facultative des cultes et de l’état, présentée le 27 mai 1886.— Proposition de MM. Planteau et Michelin sur l’abrogation de la loi du 6 germinal an X. — Proposition de M. Jules Roche et quarante de ses collègues sur la séparation de l’église et de l’état, prise en considération par la chambre, le 15 mai 1882, article 2 : « La république française ne salarie ni ne subventionne aucun culte; elle ne fournit aucun local pour l’exercice des cultes, ni pour le logement de leurs ministres; » article 3 : « A partir de la promulgation de la présente loi, l’état, les départemens, les communes rentreront immédiatement en pleine possession et jouissance de leurs immeubles actuellement affectés au service des cultes ou aux logemens de leurs ministres ou des congrégations religieuses.
  2. Rapport de M. Paul Bert sur le concordat et la séparation des églises et de l’état, 31 mai 1883, p. 32 : « Ici les embarras sont grands et bien variées les solutions d’un aussi difficile problème. Les uns s’efforcent de trouver les mesures protectrices dans l’ordre matériel et de limiter la possibilité d’acquérir même pour les biens meubles... Enfin, des hommes politiques importans déclarent qu’il faut, pour ramener définitivement la paix dans les esprits, faire que la liberté de l’église ne soit pas un vain mot : « Il faut, dit M. Bonghi, que les lois civiles permettent aux cultes d’exister, non d’une manière précaire et au jour le jour ; il faut que chacun d’eux puisse se déployer dans les formes diverses propres à sa nature... A l’association religieuse on ne peut refuser la faculté de se constituer, selon son caractère propre et d’une manière durable.» On ne peut donc supprimer les corporations monastiques, ni les fondations pieuses perpétuelles. Mais l’église catholique étant une association qui s’étend au-delà de la juridiction territoriale de l’état, celui-ci ne peut, tout en la reconnaissant comme association, lui donner la personnalité civile et le droit d’acquérir. Ce droit ne doit être accordé qu’aux associations partielles, comme les paroisses, les diocèses, les fondations. » — Proposition de M. Jules Roche précitée, article 16 : « Dans le cas d’association légalement reconnue, aucune de ces associations faites dans un but religieux ne pourra acquérir, recevoir, ni posséder, ni directement, ni par personne interposée, aucun autre immeuble que ceux strictement nécessaires à l’exercice du culte et dont la contenance est déterminée au maximum à un hectare. Lesdites associations ne pourront en aucun cas, ni sous aucune forme,.. se syndiquer entre elles sous peine de dissolution immédiate.