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s’adressant aussitôt à lord Hartington. Il n’aurait même point hésité, dit-on, à offrir au chef des libéraux unionistes ou dissidens, comme on voudra les appeler, le poste de premier ministre, en s’effaçant au besoin complètement ou en gardant simplement pour lui la direction du foreign office. Lord Hartington, qui était à Rome pour son plaisir au moment où la crise a éclaté, a été au plus vite rappelé à Londres, et il est certain qu’il revient, comme on dit, maître de la situation. Lord Hartington est un homme plein de réserve, fidèle aux traditions du parti. Il n’a cessé d’assurer, il assurait récemment encore son appui au gouvernement contre les agitations révolutionnaires de l’Irlande ; il a cependant refusé, il y a six mois, d’entrer avec les tories au pouvoir, et les conditions ne sont point évidemment plus faciles aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a six mois. Un ministère Hartington ou un ministère Hartington-Salisbury serait-il bien certain de trouver une majorité dans la chambre des communes telle qu’elle existe ? C’est précisément la question que soulève cette étrange et soudaine retraite de lord Randolph Churchill. Jusqu’ici, M. Chamberlain et ses amis les radicaux, qui se sont séparés de M. Gladstone dans les affaires d’Irlande, avaient semblé assez disposés à partager la fortune des libéraux dissidens, à soutenir le gouvernement ; depuis la disparition du chancelier de l’échiquier, dont la présence au pouvoir était pour eux, à ce qu’il paraît, une garantie, M. Chamberlain et les radicaux semblent s’être singulièrement refroidis, et, par le fait, un cabinet, quel qu’il soit, est plus que jamais exposé à se trouver en face des coalitions les plus imprévues. Tout s’est compliqué, de sorte que cette fugue de lord Randolph Churchill, loin d’être un incident insignifiant, aura eu pour effet de rendre tous les ministères plus difficiles, d’ajouter à la confusion des partis et de préparer peut-être une dissolution nouvelle du parlement. De quelque façon que la crise se termine aujourd’hui, elle ne peut guère avoir qu’un dénoûment provisoire jusqu’à la session prochaine, et l’Angleterre, qui fait si souvent la leçon aux autres, pourrait voir, par sa propre expérience, que l’ère des difficultés comme l’ère des périls est ouverte pour tout le monde.

Cette année qui finit par des crises dans quelques pays, elle vient de finir pour l’Espagne par des discours qui, heureusement pour cette fois, n’ont été qu’une série d’explications entre les partis dans une situation pacifiée. Cette session, qui vient d’occuper quelques semaines à Madrid, aurait pu sans doute être mieux employée ; elle aurait pu être consacrée aux affaires sérieuses, aux finances, à la réorganisation des forces nationales, à des lois d’utilité pratique qui intéressent plus directement le pays. Elle n’a été, en réalité, qu’un long débat tout politique qui a duré plus de quinze jours, où près de cent discours ont été prononcés.

Si démesuré, si prolixe qu’il ait pu paraître, ce long débat avait du