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gnalés en partie par Coquéau, tient douze pages dans la monographie de M. Bitter. L’Alceste française a pris quatre morceaux de chant à Telemacco, à Pâris, à Ezio ; Iphigénie en Tauride n’est guère moins bien partagée : Iphigénie en Aulide doit un air et un chœur à Telemacco, outre les airs de ballet tirés de Paris et Hé-IMe ; le fameux duo d’Achille et d’Agamemnon, cause première des discussions de La Harpe et de Suard, vient du Cadi dupé. Supposez ce détail connu, le champion de Gluck se fût sans doute moins avancé sur la haute valeur dramatique du morceau, et la querelle des gluckistes avortait. Tout le troisième acte d’Armide est fait de pièces de rapport. La scène de la Haine est empruntée, moitié à l’inépuisable Tele7nacco, moitié à. Paris et Hélène. Il y avait pourtant, à propos de cette scène et de l’invocation à l’Amour qui y fut ajoutée après coup, tout un petit roman de Gastil-Blaze : pendant les répétitions, Gluck consulte le copiste en chef de l’opéra, comme Molière sa sentante ; le scribe, tout en approuvant, voudrait voir la pauvre Armide réconfortée avant la chute du rideau : là-dessus, le musicien, frappé d’un trait de lumière, reprend son manuscrit, compose quatre vers qui lui manquent et termine l’acte par l’amoureuse prière d’Armide. Que va devenir cette légende ? Ce que deviennent les légendes en notre siècle de lumières. Il est à croire que Gluck est allé chercher ses inspirations, non pas précisément au bureau de la copie, mais dans la partition de Pâris et Hélène, où un air identique amène une conclusion analogue. n’y a d’exact que l’addition des quatre vers et la grande beauté du morceau qui en résulte. On fermerait aisément les yeux sur ces réminiscences, si l’auteur avait toujours la main aussi heureuse ; mais le chœur final transporté de Pâris et Hélène dans Iphigénie en Tauride, mais l’air : Ô malheureuse Iphigénie, tiré de la Clémence de Titus, mais le duo du Cadi devenu le duo d’Agamemnon et d’Achille ont-ils autant d’à-propos ? On invoque l’usage constant d’autrefois ; Mozart, Haydn et Rossini plus que personne ont usé du privilège ; soit : eux du moins n’affichaient aucune prétention à l’expression adéquate et typique. Voilà, en vérité, de terribles inconséquences chez Gluck, et des côtés de charlatan : disons, tout au moins, de metteur en scène, puisque aussi bien il s’agit d’un homme de théâtre.


IV.

Alceste, cependant, s’était relevée peu à peu, par sa vertu propre d’abord, et ensuite par les bons offices du Journal de Paris. Gluck était maître à l’Opéra et prétendait y régner seul. Les pièces nou-