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peut obtenir de l’Assistance publique ne suffit pas toujours à soutenir son courage. Pour obtenir ce secours, il faut encore du temps, des démarches, et, pendant cette attente, le premier asile fait parfois défaut. La charité privée l’a bien compris et elle est intervenue. Il y a longtemps déjà qu’un homme dont le nom demeure attaché à beaucoup d’idées justes en matière de bienfaisance, M. de Gerando, a fondé un asile spécialement destiné, dit le Manuel des œuvres, « à recevoir les jeunes filles victimes d’une première faute et que leur état d’abandon expose, à la sortie de l’hôpital, à tous les dangers de la corruption et de la misère. » Mais si grand est le nombre de ces malheureuses que cet asile n’était pas suffisant. Les fondateurs de l’asile de nuit pour femmes et enfans s’en sont bien vite aperçus. A peine leur maison de la rue Saint-Jacques était-elle ouverte que les convalescentes de la Maternité y affluaient, heureuses d’y trouver, pour elles et leur enfant, une hospitalité de trois jours, et une soupe matin et soir. Quel moyen cependant de les renvoyer, comme le règlement l’exigeait, après un séjour d’aussi courte durée, alors que quelques-unes d’entre elles auraient eu à peine la force de se traîner dans la rue en quête d’un gîte qu’elles n’auraient pas trouvé? Une première donation a permis à la Société philanthropique de créer dans son asile de la rue Saint-Jacques un petit dortoir spécial où l’on a conservé ces malheureuses aussi longtemps que leur état de faiblesse le commandait; une seconde donation plus libérale encore et un appel heureux à la charité publique l’ont mise en mesure d’ouvrir, cette année même, une maison distincte à l’inauguration de laquelle M. Pasteur n’a pas dédaigné de présider et qui pourra recevoir, dans des conditions meilleures encore, un beaucoup plus grand nombre de femmes. Cette maison a reçu l’appellation heureuse de l’Asile maternel. En effet, c’est bien en mères qu’il faut traiter désormais ces filles. Là est l’espérance, là est le salut, dans le devoir accepté et dans l’amour naissant. Sur ces natures assez généralement douces et molles, les bonnes influences s’exercent aussi facilement que les mauvaises. Accoutumées jusque-là aux rudesses de leurs amans, aux mépris de leurs camarades, elles sont surtout sensibles à la sympathie, aux égards ; et rien n’est aisé comme de réveiller en elles, pour un temps du moins, le sens endormi du devoir. On peut prédire qu’il sera fait beaucoup de bien moral dans cette maison par les sœurs qui la dirigent, par les femmes qui la visitent. Pour celles que les hasards de la situation ou de la fortune ont mises à l’abri de certaines tentations, la meilleure des charités est de savoir compatir à celles qui ont été plus faibles ou moins heureuses. Dans ce combat contre le vice, la charité fait donc son devoir. Mais en laissant ainsi la fille mère sans secours et sans