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de consentement sont bien plus difficiles à remplir encore. Mais en voilà déjà bien assez pour mettre nos jeunes gens dans l’embarras et les jeter dans le découragement. Que de démarches à faire! Que de lettres à écrire à des maires qui ne répondent guère, à des notaires qui répondent encore moins. Et puis tout cela coûte de l’argent; car les notaires ne font rien pour rien, et, de plus, tous ces actes doivent être fournis sur papier timbré. Une loi de 1850 permet bien d’obtenir gratuitement les pièces nécessaires au mariage, mais il faut pour cela présenter un certificat d’indigent délivré par le commissaire, sur certificat du percepteur et visé par le juge de paix. Encore trois démarches ; puis, on a beau n’être pas riche, on n’aime pas beaucoup à faire constater ainsi son indigence. Il faut compter aussi avec les frais d’église et avec les frais de toilette. Un mariage à la mairie, c’est bien sec, et la moindre messe coûte de l’argent. Quant aux frais de toilette, le marié aura bien la ressource de s’adresser à une de ces maisons de confection pour hommes dont la spécialité est de louer des vêtemens propres « pour mariages ou pour deuils. » Mais la mariée! c’est bien dur de se marier dans sa robe de tous les jours. On était en blanc lorsqu’on a fait sa première communion. Puis les camarades se moqueraient de vous si on n’avait pas de fleurs d’oranger. Cependant, au milieu de ces démarches, de ces retards, de ces perplexités, le temps s’écoule, la belle saison passe, et la couturière, dont la morte saison a épuisé les ressources, voit arriver avec effroi le moment où le maçon va s’en retourner au village, emportant ses économies de l’année. Qui sait s’il reviendra et s’il n’épousera pas là-bas une de ses payses? Le courage de la résistance finit par lui manquer, et le dénoûment de cette longue attente sera celui-ci : un soir où le maçon aura ramené la couturière chez elle, il montera jusqu’à sa chambre et elle n’aura pas le courage de le renvoyer. Le lendemain, l’un des deux apportera chez l’autre ses modestes effets personnels, et voilà un ménage parisien constitué. A qui la faute? Au maçon assurément et à la couturière, mais peut-être bien aussi aux auteurs du code civil.

Tout cela est bel et bon, pourra-t-on me dire ; mais à quoi concluez-vous? Car enfin toutes ces formalités ont leur raison d’être, et vous ne prétendez pas qu’un jeune homme et une jeune fille puissent contracter mariage à tout âge sans le consentement de leurs parens et sans publication préalable. Assurément non. mais je prétends deux choses : la première, c’est que le mariage étant un acte éminemment moral et social, les auteurs du code auraient dû avoir en vue de le favoriser plutôt que de l’entraver. Or, en multipliant les précautions contre les mariages clandestins, qui sont l’aventure